Zinder, Niger – Dans les paysages arides de Zinder, une région du centre-est du Niger, Zara*, 11 ans, entame un parcours de résilience et de transformation. Son retour au pays est un exemple de la lutte permanente qu’il faut mener contre la traite des enfants.
« Ma mère m'avait envoyée avec un groupe d'adultes et d'enfants en Algérie pour trouver du travail. Nous avons été interceptés pendant le voyage. J’ai eu peur, je pensais qu'on nous arrêtait, qu'on allait nous kidnapper pour nous faire du mal. J'ai beaucoup pleuré », raconte Zara, la voix tremblante à ce souvenir.
La mère de Zara, Soukeyna*, avait envoyé sa fille en Algérie par pur désespoir. « Je l'ai envoyée là-bas pour effectuer de petites tâches domestiques afin de gagner de l'argent et de nous aider à subvenir à nos besoins, car nous avions à peine de quoi nous nourrir », explique Soukeyna, dont les yeux traduisent le poids de leurs difficultés.
Selon un rapport de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de la moitié des enfants victimes ont signalé que des amis et des membres de leur famille sont à l’origine de leur recrutement pour la traite, en particulier en cas d'extrême pauvreté.
Kantche, la ville natale de Zara dans la région de Zinder, connaît bien la migration. En effet, les familles nombreuses, le manque d’opportunités socio-économiques et une longue tradition de migration font que de nombreux jeunes de cette région sont contraints de chercher des opportunités économiques à l'étranger. Dans cette dure réalité, des enfants comme Zara sont souvent victimes de trafiquants, s'embarquant dans des voyages dangereux qui se terminent par de l'exploitation et de la souffrance.
Ramatou Laouali, assistante de protection de l'OIM à Zinder, explique les sombres circonstances qui mènent les familles à faires ces choix. « Le contexte culturel et les difficultés économiques auxquelles sont confrontées les familles poussent les mères à envoyer leurs enfants chercher des opportunités ailleurs. Elles espèrent qu'en trouvant un travail d'aide domestique dans d'autres villes ou pays, leurs enfants pourront envoyer de l'argent à la maison pour subvenir aux besoins de la famille ».
Cependant, la réalité n’a rien à voir avec ces rêves. « Ces enfants, envoyés dans l'inconnu, se retrouvent abandonnés et vulnérables face aux réseaux impitoyables des trafiquants. Nombre d'entre eux sont contraints de mendier ou d'entrer dans le monde horrible de la prostitution. Les filles sont particulièrement exposées, là où les garçons sont davantage menacés par l'exploitation de leur travail. Dans certains endroits, ils sont même recouverts de substances collantes pour attirer les mouches et créer l'illusion d'une maladie grave afin de provoquer la compassion et obtenir l'aumône », ajoute Ramatou.
Zara sent que le vent tourne en sa faveur lorsqu'elle comprend que les personnes qui les ont interceptées les emmènent dans un endroit sécurisé. « Lorsque nous sommes arrivés au centre, ils se sont bien occupés de moi. Le centre était agréable ; je mangeais bien, je n'avais pas soif et nous avions des balançoires sur lesquelles je jouais beaucoup », raconte Zara, une lueur de sourire perçant son expression sombre.
Au Niger, le centre pour les victimes de la traite, ouvert en juillet 2019 et géré par l'Agence nationale de lutte contre la traite des personnes et le trafic illicite de migrants (ANLTP) avec le soutien de l'OIM, est devenu un sanctuaire pour les survivants comme Zara. Ici, ils bénéficient d'une protection, d'une assistance et d'une chance de réintégrer leur communauté.
Alhassane Hamidou, responsable du département de la communication et des relations publiques de l'ANLTP, souligne l'engagement du Niger. « En mettant en place des structures de lutte contre la traite dans son cadre juridique, notamment via la création de l'Agence nationale de lutte contre la traite des personnes, le Niger a démontré son engagement à protéger les personnes vulnérables et à se battre afin d’obtenir la justice pour les survivants. »
Le centre propose un ensemble complet de services de soutien. Dès son arrivée, chaque personne est enregistrée et soumise à un entretien visant à identifier ses besoins spécifiques. Les travailleurs sociaux, très investis, veillent à ce que les services vitaux, y compris l'assistance médicale et juridique, soient fournis, ne négligeant aucun aspect de la guérison et du rétablissement.
Les enfants représentent près de 60 % de la population du centre, où ils trouvent un refuge et une chance de guérir avant de retrouver leur famille. Des activités spécifiques telles que des moments de lecture, des jeux stimulants et des séances de sport offrent à ces jeunes des moments de répit, leur permettant de redécouvrir la joie et l'innocence qui leur ont souvent été volées.
« Les personnes qui arrivent dans ce centre sont dans un état de détresse important, et ces activités leur permettent de retrouver une vie normale et d'oublier un peu ce qu'ils ont enduré en chemin », explique Alhassane Maiga, responsable du centre.
Grâce à l'initiative COMPASS, soutenue par le ministère néerlandais des Affaires étrangères, l'OIM a contribué à renforcer les capacités du personnel de l’ANLTP au centre. Des programmes de formation complets ont permis de développer leurs compétences en matière de soins aux victimes de la traite et de gestion efficace du centre. En outre, l'OIM contribue activement aux opérations du centre, en veillant à ce que les ressources essentielles telles que la nourriture, l'assistance médicale et les articles non alimentaires soient facilement disponibles.
Le soutien s'étend au-delà des murs de l’établissement. « Nous avons reçu des sacs de maïs, des haricots, du riz, des spaghettis, des cubes de bouillon de poulet et du sel - une aide alimentaire et des vêtements pour ma fille. Si c'était à refaire, je ne le ferais pas. Je n'enverrais plus jamais ma fille à l’étranger », admet Soukeyna, reconnaissante de l'aide qui a changé leur vie.
De plus, Soukeyna a reçu une micro-aide qui lui permet de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Les travailleurs sociaux de l'ANLTP et de l'OIM jouent également un rôle crucial dans la réunification des familles. De retour dans leurs communautés d'origine, les survivants et leurs familles bénéficient d'un soutien global pour s'attaquer aux causes profondes qui ont conduit à la migration. Les parents reçoivent une aide pour développer des activités économiques durables, réduisant ainsi la nécessité d'envoyer leurs enfants ailleurs, tandis que les enfants ont accès à l'éducation, recevant du matériel comme des crayons, des stylos et des vêtements.
« Je suis heureuse de retourner à l'école. Je suis dans une classe où nous apprenons à écrire, à lire et où nous étudions l'éthique, ma matière préférée ! » s'exclame Zara, les yeux brillants d'un nouvel espoir.
Depuis 2021, l'initiative COMPASS a été une bouée de sauvetage pour plus de 70 000 migrants dans le monde. Rien que pour l’année 2023, le centre pour les victimes de la traite des êtres humains a apporté une aide cruciale à 81 personnes, dont 50 garçons et 31 filles. Grâce à ces initiatives, des enfants comme Zara ont la possibilité de retrouver un peu de leur enfance et de se construire un avenir loin du fléau de la traite.
*Les noms ont été modifiés pour protéger leur identité.
Rédigé par Alexander Bee (consultant pour l'OIM Niger) et corrigé par Aissatou Sy, responsable de l’information publique pour l'OIM Niger.