Région de Kiev, Ukraine — « Il n’y a qu’une seule vie, et cela vaut la peine de faire quelque chose qui vous apporte de la joie, à vous et aux personnes qui vous entourent ».
Anastasiia est une mère ukrainienne, une ancienne économiste et une survivante du cancer du sein. Les expériences bouleversantes qu’elle a vécues en luttant contre le cancer et en subissant la guerre en Ukraine lui ont permis de comprendre ce qui comptait le plus pour elle.
Aujourd’hui, elle possède un petit studio dans un village de la région de Kiev où elle confectionne des vêtements, avec sa marque « Zhaha », des vêtements qui facilitent la vie de ceux qui ont des besoins particuliers, notamment les personnes en situation de handicap et les personnes âgées.
Selon les estimations à l’échelle internationale, des dizaines de milliers de personnes ont perdu des membres du corps depuis le début de la guerre à grande échelle en Ukraine. Si la guerre a été dévastatrice pour l’ensemble du pays, les personnes en situation de handicap - en particulier les anciens combattants - sont confrontées à des défis et à des obstacles spécifiques.
« J’ai toujours voulu fabriquer des vêtements et avoir ma propre entreprise », explique Anastasiia. « Cette idée m’est venue lorsque j’ai vu le pantalon de mon fils qui pouvait facilement se transformer en short. J’ai réalisé à quel point de telles choses pouvaient servir une mission sociale importante et faciliter la vie des personnes en situation de handicap ».
Ruslan, un vétéran amputé d’une jambe et ami d’Anastasiia, fait partie de ses clients.
« J’ai plusieurs pantalons fabriqués par Anastasiia. J’aime tout : de la fonctionnalité à la conception », déclare Ruslan. « Ils sont très confortables, que ce soit avec ou sans prothèse. Il est facile de faire des ajustements ou de nettoyer sans avoir à enlever ou à rouler le pantalon, ce qui est difficile à faire, surtout en hiver, dans une voiture ou dans des lieux publics ».
Anastasiia a commencé son aventure dans l’entrepreneuriat social lors de son traitement et de sa guérison d’un cancer du sein en 2021. Au début de l’invasion russe de l’Ukraine, son idée a pris un nouveau sens : « J’ai moi-même un handicap. Et bien que cela ne soit pas visible de l’extérieur, la maladie m’a beaucoup affectée intérieurement. J’ai réalisé que je n’avais qu’une seule vie et que je devais étancher ma “soif”, car il n’y aura pas d’autre moment », explique Anastasia. « D’où le nom de la marque - “Zhaha”, la soif de liberté, de connaissance, d’aventure », ajoute-t-elle.
« L’idée principale est d’aider les anciens combattants, mais en même temps, le grand public peut aussi porter ces vêtements », explique-t-elle. « Ils sont écologiques, confortables et permettent de gagner de la place dans la valise, car les pantalons se transforment facilement en shorts, et vous avez toujours deux tenues en une ».
Pour Anastasiia, il est important que les clients testent les vêtements et deviennent les co-créateurs des nouveaux modèles. « J’ai rencontré Ruslan lorsque nous sommes allés ensemble dans un centre de réhabilitation à Kiev. Je lui demande toujours, ainsi qu’à d’autres de me faire part de leurs commentaires. Je veux qu’ils me disent si c’est trop serré, si ça gratte ou si c’est inconfortable, car chaque cas d’amputation est unique et nécessite une approche personnalisée ».
Outre les articles à pièces détachables, Anastasiia développe d’autres modèles. « Nous avons des chemises avec des aimants. Elles sont très pratiques pour les personnes ayant des problèmes de motricité fine ou pour les personnes âgées qui ont des difficultés avec les boutons et les fermetures à glissière. Il y a aussi des vêtements pour les personnes alitées. Les vêtements adaptés contribuent à leur donner confiance et indépendance dans leur vie quotidienne ».
Dans le cadre d’un projet de soutien aux microentreprises financé par le Ministère allemand de la Coopération économique et du Développement par l’intermédiaire de la Banque allemande de développement (KfW), Anastasiia a reçu une subvention de l’OIM pour acheter du tissu et moderniser l’équipement de son atelier.
Depuis le début de l’invasion à grande échelle en février 2022, l’OIM a soutenu plus de 900 micros et petites entreprises avec des subventions financières, conservant 5 000 emplois existants et créant 3 000 nouveaux emplois.
Anastasiia prévoit de développer son entreprise dans un avenir proche. Elle aimerait embaucher une couturière, améliorer le marketing, lancer une campagne publicitaire et commencer à utiliser du tissu de chanvre écologique.
Ce rêve est ancré dans son désir d’aider les autres. « Les zones rurales ont besoin d’industries, et les personnes locales ont besoin de nouvelles connaissances et de se recycler. Aujourd’hui, je cherche une couturière et j’envisage même d’organiser moi-même des cours, de publier une annonce et d’inviter les habitants à venir ici pour une formation. Je veux montrer aux populations que tout le monde peut faire des vêtements : les hommes, les vétérans, les personnes âgées et les personnes en situation de handicap ».
Anastasiia et Ruslan prévoient également de créer une organisation non gouvernementale qui contribuera à rendre leur communauté plus inclusive et sans obstacle, ainsi qu’à soutenir la réinsertion des anciens combattants dans la vie civile.
Cette histoire a été rédigée par Yuliia Homonets et éditée par Amber Christino.