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Les agriculteurs yéménites se réapproprient leurs terres et rétablissent l'accès à l'eau

Tarim, Yémen – Dans la région de Tarim, l'agriculture est vitale. Presque toutes les familles dépendent de la terre, et lorsque les récoltes sont bonnes, la communauté s’épanouit : la nourriture est abondante, les prix restent stables et les voisins se partagent la récolte de la saison. Mais lorsque les températures augmentent et que les champs s'assèchent, cultiver la terre devient une épreuve. Les prix montent en flèche et même les produits de base deviennent hors de portée pour de nombreuses familles.

« L'agriculture est ce qu'il y a de plus important ici », déclare Nawwaf, en nous offrant des dattes cueillies dans un arbre à proximité. Il a grandi dans la tradition du partage de ce que la terre fournit, un mode de vie qui lie sa communauté depuis des générations. « Lorsque vous passez devant une ferme, les agriculteurs vous invitent à goûter ce qu'ils ont cultivé. »

Mais depuis quelques années, cette tradition est menacée. Des inondations catastrophiques ont érodé les terres fertiles, emportant les récoltes et déplaçant les familles d'agriculteurs. Parallèlement, des sécheresses prolongées ont rendu le retour à la normale encore plus difficile.

L'eau, qui était autrefois le pilier de la prospérité dans le Tarim, est devenue une source de conflit. Dans cette région comme dans la région voisine de Seiyun, les querelles autour des rares sources d’eau se sont intensifiées en raison d'une utilisation non réglementée, d'une demande croissante et du changement climatique. Les systèmes d’irrigation étant limités, les agriculteurs doivent se battre pour maintenir leurs cultures en vie. Nombre d'entre eux ont été contraints d'abandonner complètement l'agriculture, cherchant d’autres moyens de subvenir aux besoins de leur famille.

Contrairement à de nombreux habitants de sa ville, Nawwaf n'a jamais eu la chance de travailler la terre. Faisant partie d'une fratrie de dix enfants, il a appris très tôt que pour survivre, il allait devoir se sacrifier. Lorsque son père est décédé, il n'a pas eu d'autre choix que de quitter l'école et d'accepter un emploi alimentaire dans un bureau, faisant passer les besoins de sa famille avant ses propres rêves.

Aujourd'hui âgé de 25 ans, lui et son jeune frère travaillent sans relâche pour subvenir aux besoins de leur famille. Ils prennent en charge les frais médicaux de leur frère aîné, qui est trop malade pour travailler, et font tout ce qu'ils peuvent pour que leurs frères et sœurs plus jeunes restent à l'école.

Mais leurs efforts ne sont jamais suffisants. « Notre famille traverse une période difficile et nous avons besoin de toute l'aide possible », admet Nawwaf. La gentillesse des voisins ne suffit pas et les dettes à l'épicerie ne cessent de s'accumuler. Il a beau travailler dur, cela ne suffit jamais. « Ce que nous gagnons couvre à peine nos dépenses », dit-il.

De nombreuses familles du Tarim étant confrontées au même problème, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), avec le soutien de l'Agence coréenne de coopération internationale (KOICA), a mis en place une initiative « argent contre travail ». Cette approche offre des emplois à durée déterminée à des personnes comme Nawwaf, leur permettant de gagner un revenu tout en aidant à restaurer les systèmes d'eau et d'irrigation - un travail qui non seulement leur permet de gagner de l'argent, mais garantit également que la terre dont ils dépendent puisse continuer à produire pour les générations à venir.

Le programme a permis à Nawwaf et à beaucoup d'autres personnes de gagner un revenu tout en rendant service à leur communauté. « Nous leur avons dit que nous étions prêts à faire n'importe quel type de travail et que nous ferions de notre mieux », explique-t-il.

Pendant deux semaines, Nawwaf et son équipe ont passé de longues heures à arracher les plantes envahissantes et à réaménager les sentiers qui avaient disparus sous les mauvaises herbes. Ce travail a permis aux agriculteurs de retrouver l'accès à leurs champs et d'améliorer l'état général des terres. Plus important encore, cela les a aidés à aller de l’avant et cela leur a apporté un vrai soulagement, même temporaire.

« Nous avons travaillé deux ou trois jours dans chaque ferme pour les aider à nettoyer, et finalement nous avons travaillé dans toutes les fermes de notre région », explique-t-il avec fierté.

Avec l'argent qu'il a gagné, Nawwaf a pu nourrir sa famille, couvrir une partie des frais de scolarité de ses frères et sœurs et rembourser une partie de ses dettes. « Ce programme a aidé beaucoup de personnes dans notre région », explique Nawwaf. « Tout le monde souhaiterait que le programme continue encore un mois ou deux. La plupart des gens ici se battent depuis longtemps pour trouver du travail et ont des familles à nourrir ».

Nawwaf est convaincu que le travail qu'ils ont accompli fera une réelle différence pour les agriculteurs. « Certains ne pouvaient pas cultiver leurs terres parce qu'elles étaient envahies de chanvre et de mauvaises herbes », explique-t-il. « Ils passaient beaucoup de temps à défricher la terre avant même de pouvoir commencer à planter. » Grâce au défrichage, les réseaux d'irrigation ont enfin pu atteindre les palmiers, ce qui a permis aux agriculteurs de cultiver leurs terres plus efficacement.

Pourtant, il sait que le travail ne suffira pas à tout changer. Il rêve de poursuivre ses études, mais il ne peut se résoudre à laisser son jeune frère porter seul le fardeau de la famille. « Ce serait trop pour lui de subvenir seul aux besoins de la famille », dit-il.

Malgré cela, Nawwaf garde espoir. « Lorsque mon père était en vie, il ne nous laissait jamais travailler - il nous disait toujours de nous concentrer sur nos études. » C'est avec ces mots à l'esprit qu'il encourage ses jeunes frères et sœurs à rester à l’école tant qu'ils le peuvent, leur rappelant que l'éducation ouvre des portes, même lorsque l'avenir semble incertain.

La réhabilitation des infrastructures d'eau et des réseaux d'irrigation à Seiyun et dans la région de Tarim a été rendue possible grâce au projet « De l'eau pour la paix au Yémen », mis en œuvre avec le généreux soutien de l'Agence coréenne de coopération internationale (KOICA).

Cet article a été rédigé par Monica Chiriac, responsable des médias et de la communication à l'OIM Yémen.

SDG 10 - INÉGALITÉS RÉDUITES
SDG 13 - MESURES RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
SDG 15 - VIE TERRESTRE
Rédigé par
Monica Chiriac

Media and Communications Officer, IOM Yemen

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