République de Moldavie - « Avant la guerre, Eva était une petite fille heureuse et insouciante, une élève de CP pleine de joie qui aimait aller à l'école, faire du taekwondo et dessiner », se souvient Olga. Déterminée à ce que sa fille de six ans connaisse une enfance joyeuse et stable, Olga faisait tout ce qui était en son pouvoir pour permettre à Eva de s'épanouir.
Tout a changé lorsque les forces russes sont entrées dans leur ville natale de Kharkiv, dans le nord-est de l'Ukraine. La guerre s'est intensifiée au début de l'année 2022 et les explosions assourdissantes sont devenues la bande son de leur vie. Peu de temps après, à force de vivre dans la peur, la petite Eva a commencé à bégayer. C'est là qu'Olga a compris qu'il était temps de quitter la maison pour se mettre à l'abri.
Accompagnée de sa mère âgée, elles ont pris tout ce qu'elles pouvaient dans leurs valises et ont traversé l'Ukraine en voiture, jusqu’à la Moldavie.
« Je ne pensais pas à la Moldavie comme une destination finale, j'ai simplement roulé dans cette direction, aussi vite que possible, pour laisser les bombes derrière moi », explique Olga. « Je n'aurais jamais imaginé que ma très vieille voiture puisse parcourir autant de kilomètres », ajoute-t-elle en souriant.
Épuisées par la longue route, elles ont décidé de s'arrêter à Donduseni, une ville de plus de 7 000 habitants située dans le nord de la Moldavie, près de la frontière ukrainienne. Les premiers jours ont été difficiles, mais les autorités locales et les membres de la communauté se sont rapidement mobilisés pour leur venir en aide. Olga se souvient avec émotion qu'« il y avait toujours des Moldaves prêts à nous donner un peu de nourriture ».
À son grand soulagement, Olga a trouvé un emploi dans un centre d'hébergement pour réfugiés, ce qui lui a permis de gagner de l'argent pour subvenir aux besoins de sa famille. Elle a ensuite aidé sa fille Eva à s'intégrer dans la communauté et à rencontrer d'autres enfants dans la même situation qu’elle. Olga a entendu parler des activités organisées à la bibliothèque municipale Ion Druta, un paradis pour les enfants, qui organise souvent des événements spécifiquement pensés pour les jeunes arrivants. Le lendemain, elles sont toutes deux allées la visiter et, à partir de ce moment, la bibliothèque est devenue partie intégrante de leur vie.
Olga et sa fille Eva se rendent à la bibliothèque pour lire et découvrir la culture moldave. Photo : OIM 2025/Riccardo Severi
Créée en 1972, la bibliothèque de Donduseni est depuis longtemps un centre social qui organise des activités culturelles pour les enfants moldaves et les enfants migrants. En 2022, elle a été rebaptisée « Bibiliothèque Ion Druta » en hommage au célèbre poète moldave décédé l'année précédente. Malgré le besoin urgent de rénovation, la bibliothèque était un centre fourmillant de la ville ; un espace sûr pour se rencontrer, offrant des activités interculturelles et une source d’évasion pour les jeunes et les moins jeunes, qui peuvent y consulter toutes sortes de livres qui s’accumulent sur les étagères poussiéreuses.
Pour Olga, la bibliothèque a vite représenté un lieu de répit pour sa fille ; voir Eva passer du temps avec ses nouveaux amis et apprendre si rapidement le roumain a été un vrai soulagement pour elle. La famille, qui a quitté l'Ukraine il y a plus de deux ans, a enfin le sentiment d'avoir tourné une nouvelle page en Moldavie, où la vie ressemble de plus en plus à celle qu'elle a connue à Kharkiv.
« L'objectif de chaque bibliothèque est d'encourager les enfants à continuer d’apprendre tout au long de leur jeunesse », explique Olga pour qui l'éducation d'Eva est restée une priorité absolue, même quand l'avenir de la famille était incertain.
Eva s’amuse avec ses nouveaux amis à la bibliothèque. Photo : OIM 2025/Riccardo Severi
Depuis 2022, environ 1,9 million d'Ukrainiens ont transité par la Moldavie, mais beaucoup sont rentrés depuis. Sur les quelque 128 000 qui restent en Moldavie, près de 70 000 ont bénéficié d'une protection temporaire, en majorité des femmes et des enfants.
En 2023, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a procédé à une expertise technique de la bibliothèque Ion Druta dans le cadre d'une initiative plus large visant à soutenir l'intégration des migrants en Moldavie. Des travaux de rénovation d'un montant de 125 000 dollars ont ensuite été effectués, notamment pour refaire l'isolation thermique, rénover les murs extérieurs et le toit, remplacer les fenêtres abîmées ainsi que pour faire des travaux intérieurs.
« Grâce à ce soutien, qui a permis de sauver notre bibliothèque, je peux maintenant dire avec fierté qu'elle est devenue l'une des bibliothèques les plus fréquentées de tout le district », déclare Oxana Caramîș, directrice de la bibliothèque Ion Druta.
Grâce à ces travaux, la bibliothèque organise désormais régulièrement des ateliers et des activités pour encourager la cohésion sociale entre les familles moldaves et migrantes, même pendant les rudes mois d'hiver. Elle est devenue un lieu central pour la communauté, où l’on peut danser, fabriquer des crêpes traditionnelles et célébrer le Nouvel An, et où les enfants peuvent socialiser et apprendre à se connaître les uns les autres.
Des enfants de toutes origines participent à une activité créative organisée par la bibliothèque Ion Druta avec le soutien de l'OIM. Photo OIM 2025/Riccardo Severi
La bibliothèque accueille chaque mois plus de 350 enfants ukrainiens et 440 enfants moldaves. Olga et Eva ne sont plus seulement des visiteuses occasionnelles, elles font désormais partie intégrante du tissu social de la bibliothèque.
Olga partage les traditions culturelles ukrainiennes avec ses amis moldaves, leur faisant découvrir le poète ukrainien Taras Chevtchenko, et à leur tour, ils lui font découvrir certains des plus grands poètes moldaves, tels que Grigorii Vieru.
Quant à Eva, elle est à nouveau épanouie. Elle parle le roumain bien mieux que sa mère - Olga l'admet fièrement - et son bégaiement, causé par le traumatisme de la guerre, n’est plus qu'un lointain souvenir.
Depuis 2022, l'OIM a rénové plus de 35 équipements publics en République de Moldavie dans le cadre d'une initiative plus large visant à favoriser l'inclusion des migrants et des réfugiés tout en soutenant le développement du pays. 163 entreprises gérées par des migrants, des réfugiés et des Moldaves ont également reçu des subventions pour améliorer et développer leurs activités, créant ainsi 259 emplois. L'OIM continue de revitaliser les espaces communautaires et d'améliorer l'accès aux services sociaux essentiels dans l'intérêt de tous.
Cet article a été rédigé par l'unité médias et communication de l'OIM Moldavie, Riccardo Severi, Ana Gnip-Balan, et Olga Derejovschi et édité par Amber Christino.
