Mataban, Somalie – La Somalie fait face à des conditions météorologiques difficiles depuis des années, et se trouve plongée dans un cycle de sécheresse et d’inondations extrêmes qui continue de dévaster les communautés. Le pays a récemment connu sa pire sécheresse en 40 ans, affectant près de la moitié de ses 19 millions d’habitants et déplaçant plus d’un million de personnes. Cette sécheresse a provoqué de graves pénuries d’eau qui ont entraîné une insécurité alimentaire généralisée.
Des milliers d’agriculteurs ont perdu leurs récoltes et leurs sources de revenus, leur bétail a péri en raison du manque d’eau et de la perte de végétation. Bon nombre de communautés se sont également retrouvées en conflit avec des groupes voisins, se disputant des ressources rares telles que l’eau et la terre.
En réponse à la crise, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a lancé le projet Degaan Bile en août 2022. Le nom du projet, qui signifie « renforcer la nature » en somali, reflète son objectif d’aborder le lien changement climatique-conflit et les déplacements liés au climat au moyen d’interventions axées sur des pratiques agricoles régénératrices. En promouvant l’agriculture durable, Degaan Bile vise également à favoriser la paix et la stabilité au sein des communautés touchées.
À ce jour, plus de 300 agriculteurs ont reçu une formation sur la gestion des coopératives, la résolution des conflits, la gestion des ressources naturelles, etc. Ces techniques ont mis l’accent sur la restauration des terres agricoles dégradées grâce à des approches innovantes, notamment des stratégies de captage de l’eau, une meilleure gestion des terres, une diversification des cultures et des pratiques améliorées en matière de fertilité des sols. L’une de ces méthodes, la technique des demi-lunes, améliore la rétention de l’eau dans le sol, ce qui contribue à augmenter le rendement des cultures et permet aux agriculteurs de mieux s’adapter aux dures réalités du changement climatique.
Ahmed Diriye, un agriculteur de Mataban, dans l’État de Hirshabelle, a été gravement touché par la sécheresse.
« Auparavant, nous pratiquions l’agriculture sans aucune connaissance ni compétence, et nous étions fortement affectés par la pénurie d’eau », a-t-il expliqué. « À cause de la sécheresse, nous ne pouvions pas subvenir aux besoins de nos familles avec le peu de récoltes que nous avions. Parfois, il n’y en avait même pas ».
Grâce à la formation, Ahmed et d’autres agriculteurs sont désormais mieux équipés pour adapter leurs pratiques agricoles à un climat en constante évolution. « Nous en avons vraiment beaucoup appris », ajoute-t-il. « Nous connaissons désormais les différents systèmes de captage d’eau, la gestion des ressources, les nutriments du sol et les saisons agricoles appropriées pour les cultures ».
Pour promouvoir davantage l’agriculture intelligente face au changement climatique, l’OIM travaille avec les agriculteurs des états de Hirshabelle et de Galmudug pour installer de nouveaux systèmes d’irrigation goutte-à-goutte et réhabiliter les réservoirs d’eau. Ces mesures garantissent une utilisation plus efficace de l’eau pour l’agriculture, même en cas de sécheresse.
Un autre participant à la formation, Hersi Farah, a expliqué comment le nouveau système d’irrigation goutte-à-goutte installé dans sa ferme est devenu une ressource essentielle et a permis d’améliorer le rendement de ses cultures.
« Les systèmes d’irrigation goutte-à-goutte installés dans nos fermes nous aident à économiser l’eau en n’en utilisant ni beaucoup trop, ni trop peu, mais en utilisant la quantité exacte nécessaire à nos cultures. C’est un progrès énorme pour nous et cela nous permettra de résoudre nos problèmes passés », a déclaré l’agriculteur de Qofey, dans l’État d’Hirshabelle.
Non loin de la ferme de Hersi, Ahmed Abshir cultive des citrons et des mangues. Lors de la dernière sécheresse, le bétail a pénétré dans sa ferme à la recherche d’eau et a endommagé ses cultures et deux de ses berkads, des réservoirs d’eau utilisés dans les zones arides pour collecter l’eau de pluie pendant la saison pluvieuse.
Avec le soutien de l’OIM, Ahmed Abshir a construit une clôture autour de sa ferme et a réparé ses berkads endommagés. Il est désormais en mesure de conserver l’eau pendant la saison des pluies pour servir d’irrigation pendant les saisons sèches, protégeant ainsi ses moyens de subsistance contre les effets de la sécheresse. La mise en place de clôtures permet non seulement de protéger les cultures, mais aussi d’atténuer les conflits, en réduisant les tensions entre agriculteurs et éleveurs lorsque le bétail errant endommage les terres agricoles voisines.
« Les effets de la sécheresse ont été dévastateurs pour notre communauté. Cependant, nous sommes en train de reconstruire nos vies et de protéger nos moyens de subsistance », a-t-il déclaré. « Mes berkads sont maintenant remplis d’eau et les perspectives n’ont jamais été aussi prometteuses ».
Le projet Degaan Bile, financé par le Service des instruments de politique étrangère de l’Union européenne (EU-FPI), a d’abord été lancé dans l’État de Galmudug en Somalie, avant d’être étendu à Hirshabelle suite à son succès initial. Le projet regroupe l’OIM, les autorités locales et les communautés déplacées par le changement climatique afin de développer des stratégies d’adaptation face au changement climatique et à ses défis.
En conséquence, les communautés touchées par le changement climatique jouent désormais un rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique et dans l’intégration de la gestion des ressources naturelles afin de favoriser la paix autour des ressources partagées. Dans quatre districts de Galmudug et Hirshabelle, 31 coopératives ont été créées pour promouvoir le partage de connaissances, la collaboration et la gestion des ressources naturelles. Plus de 1 800 arbres ont été plantés, protégeant le sol de l’érosion et des dégâts causés par le vent et contribuant à atténuer les effets du changement climatique.
Ubah Isse Siyad, cheffe de la communauté et militante de la stabilité environnementale, s’efforce d’inciter sa communauté à participer aux efforts de plantation d’arbres.
« La sécheresse a véritablement affecté nos vies. La plantation d’arbres est un moyen concret de lutter contre le changement climatique et d’assurer un avenir durable à nos enfants. Nous sommes fiers de participer à ce projet », a-t-elle expliqué.
En plus de ces efforts, les communautés touchées par le changement climatique à Galmudug et Hirshabelle, avec le soutien de l’OIM, ont collecté 50 000 USD pour fournir une aide supplémentaire aux agriculteurs frappés par la sécheresse. Le projet a également mis en place un comité de gestion des ressources, composé d’anciens des clans, d’agriculteurs et d’éleveurs. Ce comité favorise le dialogue sur la manière de faire face à l’impact du changement climatique sur les moyens de subsistance et la sécurité.
Le projet Degaan Bile témoigne du pouvoir de la collaboration, de l’innovation et de l’autonomisation des communautés face au changement climatique. En dotant les agriculteurs des connaissances et des outils nécessaires pour s’adapter à un environnement changeant, l’OIM atténue non seulement les impacts immédiats des risques environnementaux, mais construit également un avenir plus résilient et durable pour les communautés somaliennes.
Rédigé par Vanessa Okoth-Obbo et Raber Aziz.