Tog-wachale, 21 août 2023 – « La promesse semblait trop belle pour être vraie, quitter l'Éthiopie pour aller travailler en Arabie saoudite, mais j'ai accepté. Ils m'ont dit que ce ne serait que pour sept jours. Aujourd'hui, sept jours plus tard, j'ai trois blessures par balle dans le corps et je suis loin de l'endroit où je voulais aller », raconte Halima*, une étudiante d'Arsi, dans la région d'Oromia, en Éthiopie.

Comme de nombreux Éthiopiens à la recherche de meilleures opportunités de travail, Halima s’est laissée persuader d’entreprendre un voyage mortel de l'Éthiopie vers les pays du Golfe, en passant par la Somalie, le Yémen, le Royaume d'Arabie saoudite et d'autres pays du Golfe, via l’itinéraire que l'on appelle souvent la route migratoire de l'Est. Elle n'avait aucune idée de l'insécurité et des situations de conflit dans les pays voisins qui caractérisent cet itinéraire.

Le calvaire d'Halima, qui a duré une semaine, a commencé lorsqu'elle a quitté sa ville natale pour se rendre à Harar, à quelque 660 kilomètres de là. Elle a su qu'il était trop tard pour faire demi-tour lorsque le passeur que son ami lui avait recommandé a entassé plus de 150 personnes dans un camion. Avec un mélange d'espoir et de crainte, elle est montée dans le véhicule et a franchi la frontière entre l'Éthiopie et la Somalie en passant par la ville de Tog-wachale. 

« Les journées sur la route ont semblé des semaines. Nous n'avions rien à manger et très peu à boire. La situation a empiré lorsqu'un échange de coups de feu a eu lieu entre les passeurs et des hommes armés inconnus. Notre véhicule a perdu le contrôle et s'est renversé », raconte Halima.

« Tout s'est passé très vite. L'instant d'après, je saignais au niveau de la main, de la hanche et à côté de la poitrine ».

Sachant que les paiements ne seront pas effectués si les migrants à bord du camion n'atteignent pas le prochain point de chute en Somalie, le passeur a essayé de les convaincre de retourner au camion. Halima, qui avait reçu plusieurs balles, s'est échappée avec d'autres migrants après l'accident. 

Blessés, affamés et épuisés, Halima et les autres migrants qui s'étaient échappés ont continué à marcher à la recherche d'aide. Heureusement, après plusieurs heures de marche, ils ont trouvé un véhicule dont le conducteur a accepté de les ramener à la frontière éthiopienne. Halima a finalement été amenée au Centre d’aide aux migrants (MRC) de l'OIM à Tog-wachale, à la frontière entre l'Éthiopie et la Somalie, où elle a immédiatement reçu une assistance médicale.

Des migrants âgés d'à peine 15 ans cherchent de l'aide au Centre d’aide aux migrants de l'OIM à Tog-wachale. Photo : OIM 2023/Kaye Viray

Le MRC de Tog-wachale, une ville de transit clé située à 17 kilomètres de la frontière éthiopienne avec la Somalie, joue un rôle vital pour des milliers de migrants éthiopiens qui tentent de rejoindre les pays du Golfe en passant par la Somalie. Le centre complète les efforts du gouvernement éthiopien en répondant aux besoins vitaux des migrants en situation de vulnérabilité, que ce soit au sein du MRC ou en les orientant vers des partenaires. Les migrants reçoivent également une aide à plus long terme dans leurs communautés d'origine.

Depuis 2019, le MRC de Tog-wachale a aidé plus de 3 700 migrants, dont la plupart ont désespérément besoin d'une aide humanitaire. L'OIM gère au total cinq MRC en Éthiopie, situés le long des principaux itinéraires de migration, où elle comble des lacunes importantes en facilitant l'identification des migrants en situation de vulnérabilité et en veillant à ce qu'ils reçoivent l'aide humanitaire dont ils ont tant besoin.

Le centre d’aide aux migrants de l'OIM à Tog-wachale déménage dans des locaux plus grands pour répondre aux besoins croissants des migrants qui cherchent de l'aide dans la région. Photo : OIM 2023/Kaye Viray

« On estime à 148 000 le nombre d'Éthiopiens qui ont migré, pour la plupart de manière irrégulière, en empruntant la Route de l'Est, à la recherche de meilleures opportunités d'emploi, rien qu'en 2022. Nombre d'entre eux sont exposés à la violence, à l'exploitation et à la maltraitance à différentes étapes de leur voyage et ont besoin d'une aide urgente et d'un soutien à plus long terme », déclare Bawele Tchalim, responsable de programme sur la protection des migrants, à l’OIM en Ethiopie.

Pour l'instant, Halima se concentre sur sa guérison. Elle s'estime chanceuse d'avoir survécu à cette épreuve.

« Ma priorité actuelle est de guérir. Je ne conseillerai à aucun de mes pairs de faire ce que j'ai fait. Quand j'irai mieux, je rentrerai chez moi, j'essaierai de retourner à l'école et je chercherai des opportunités plus sûres », dit-elle.

Les services d'aide humanitaire et de protection de l'OIM en réponse aux besoins des migrants de retour sont alignés sur le Plan de réponse aux migrations (MRP) pour la Corne de l'Afrique et le Yémen, 2022. Le MRP vise à répondre aux besoins des migrants en situation de vulnérabilité et des communautés d'accueil dans les pays situés le long de la route migratoire de l’Est, entre la Corne de l'Afrique et le Yémen.

La réponse de l'OIM dans le couloir migratoire de l’Est s'inscrit dans le cadre du Plan régional de réponse aux migrations (PRM) pour la Corne de l'Afrique et le Yémen. Il s'agit d'un mécanisme d’intervention qui rassemble les partenaires humanitaires pour répondre aux besoins des migrants dans la région. Les centres d’aide aux migrants (MRC) sont l'un des services fournis aux migrants dans le cadre du MRP. Sans financement urgent pour le rôle central de l'OIM dans le MRP, étayé dans le Plan de réponse aux migrations pour la Corne de l'Afrique et le Yémen 2023, ces services risquent un arrêt imminent. L'appel est de 84 millions de dollars pour répondre à ces besoins.


*Le nom d'Halima a été modifié dans ce récit pour des raisons de confidentialité.

Cette histoire a été écrite par Kaye Viray, responsable des médias et de la communication, OIM Ethiopie.

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