Renk, 17 mai 2023 – L'enseignement a toujours été la passion de Long Deng. Son rêve l'a conduit dans la ville d'Al-Kalakla, à Khartoum, où il a étudié l'enseignement à l'Université Ouverte du Soudan il y a sept ans. La flexibilité de ses études lui a permis de travailler à temps partiel.
« Avec un diplôme, je me rapprochais de mon rêve d'enseigner. Alors, quand je l'ai enfin réalisé et que j'ai eu l'occasion d'enseigner à des enfants dans une école locale d'Abu Adam, j'étais heureux ».
Lorsque les affrontements ont éclaté le 15 avril, il n'a eu d'autre choix que de quitter le pays.
Ce père de trois enfants a quitté Abu Adam avant que la violence ne les atteigne. Mais la vie qu'ils avaient construite au cours des sept dernières années ne tenaient pas dans une valise. Il a dû donner la priorité à l'essentiel pour la route. Les moyens de transport étaient difficiles à trouver et les rares disponibles avaient triplé leurs prix.
Il a fallu à Deng toutes ses économies pour assurer le transport de sa femme, de ses deux enfants, de sa nièce et de lui-même. Et encore, il n'avait pas assez d'argent. Comme beaucoup d'autres, il a dû se mettre d'accord avec le propriétaire de la voiture pour payer à l'arrivée, où il aurait accès à de l'argent de l’autre côté de la frontière, au Soudan du Sud.
La première voiture devait être partagée avec d'autres familles, Deng a donc choisi que sa femme et ses enfants la prenne.
"Ma femme et mes enfants devaient partir en premier, je pouvais rester et espérer les rejoindre ensuite, sinon, je saurais au moins qu'ils sont en sécurité », explique-t-il.
Deng a réussi à obtenir un moyen de transport et est parti peu de temps après. Le véhicule étant rempli à ras bord d'articles ménagers et de passagers, le voyage a été lent et ils ont dû passer la nuit dans la ville de Rabek, à 158 kilomètres de la frontière entre le Soudan et le Soudan du Sud.
Le passage final de la frontière a ravivé les souvenirs du moment et des raisons de son départ. Sept ans plus tard, ce n'était pas le retour au pays que Deng avait espéré, mais il lui a offert un moment de clarté : la joie de savoir qu'il avait fait sa part au Soudan, qu'il avait pu construire une vie en suivant sa passion, et un appel à commencer à faire de même dans sa ville natale de Bentiu.
De retour chez lui, au Soudan du Sud, il ne cesse de penser à ses élèves.
« Je pense toujours à mes élèves, en espérant qu'ils s'en sont sortis et, si ce n'est pas le cas, qu'ils sont sains et saufs ».
Comme Deng, la plupart des Sud-Soudanais qui rentrent chez eux veulent retourner dans leur communauté.
« J'ai laissé ma maison fermée à clé et si les combats cessent et que les choses reviennent à la normale, je souhaiterais y retourner et récupérer mes affaires », ajoute-t-il.
Plus de 90 pour cent des quelque 50 000 personnes arrivées au Soudan du Sud depuis le début des combats sont des Sud-Soudanais. Wounthou/Juda reste le principal point d'entrée des arrivants.
Comme Deng, ils veulent rejoindre leurs communautés et sont impatients. Au point d'entrée de Juda à Renk, environ 2 000 à 3 000 arrivées sont enregistrées chaque jour, la majorité étant des Sud-Soudanais. La plupart d'entre eux ont déjà dépensé tout leur argent pour atteindre le point de passage. Certains font appel à leurs proches pour faciliter leur voyage, mais la majorité d'entre eux n'en ont pas les moyens. S'ils ne reçoivent pas d'aide, ils risquent de rester bloqués sous la chaleur torride pendant des jours, voire des semaines.
Après avoir été enregistré avec succès, Deng a sa famille à ses côtés et ses bagages faits, en attendant de monter dans le bus. « Alors, quand partons-nous ? » demande-t-il avec optimisme.
Le bus fait partie d'une flotte de sept véhicules gérée par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui facilite le transport des personnes depuis le point d'entrée de Juda jusqu'au centre de transit de Renk. Là, l'OIM et d'autres organisations humanitaires offrent des services d'urgence avant de fournir un moyen de transport aux personnes pour leur destination finale, leur foyer et leur communauté.
« Ma famille élargie vit à Bentiu (dans le nord du Soudan du Sud), et j'ai hâte de les voir. Cette fois, ce n'est pas pour leur rendre visite, mais pour rester ».
À ce jour, l'Organisation a facilité la poursuite du transport de près de 1 000 migrants de retour sud-soudanais de Renk à Malakal par voie fluviale, le premier étant parti le 14 mai. D'autres bateuax devraient partir dans les prochains jours. Deng espère être bientôt à bord de l'un d'entre eux.
Écrit par Kennedy Okoth, chargé de communication (Europe, Afrique et Moyen-Orient)