Burundi, 24 janvier 2022 – Poussant son précieux vélo le long des chemins de terre craquelés de Tura Hill, passant devant des plantations de bananes luxuriantes et des huttes en terre, Anicet rayonne de fierté en retraçant l'histoire de sa réintégration depuis sa vie de réfugié en Tanzanie jusqu'à son retour au Burundi.

« Pendant l'instabilité politique de 2015, il y avait pénurie de nourriture [dans la communauté], alors ma famille et moi avons quitté le Burundi pour chercher de quoi manger », raconte Anicet. N’ayant pas conscience des difficultés qui les attendaient, il a ensuite découvert que la vie de réfugié était elle-même pleine d’épreuves.

Sans terre à lui, ce fier agriculteur a vécu pendant trois ans dans des conditions sordides tout en travaillant dans les exploitations des autres pour joindre les deux bouts. Après quelque temps, il a entendu dire que la stabilité pourrait revenir au Burundi.

Finalement, en 2018, les nouvelles d'un environnement plus paisible chez lui ont poussé ce père de trois enfants et sa femme à migrer une fois de plus - cette fois, en tant que migrants de retour dans leur Burundi natal.

« J'étais tellement heureux de revenir dans mon pays natal », confie-t-il, « [même si] les moyens de subsistance d'un migrant de retour ne sont pas toujours faciles ».

Des femmes rient ensemble en travaillant sur un projet à impact rapide de conservation des sols. Photo : OIM/Amaury Falt-Brown

Avec le soutien initial de l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), la famille a bénéficié d'un programme d'aide au retour volontaire et a reçu un moyen de transport vers le Burundi et un fonds de démarrage pour se remettre sur pied.

Néanmoins, sans terre ni source de revenus, Anicet, comme des dizaines de milliers d'autres, a dû lutter pour réintégrer la communauté dont il faisait autrefois partie.

« Grâce au peu d'argent obtenu dans le cadre d'un programme de micro-financement communautaire, j'ai essayé d'ouvrir un commerce de poisson, mais sans succès », explique-t-il. Le temps passant et les conditions de vie ne s'améliorant pas, Anicet, lassé, a commencé à envisager une nouvelle fois la vie de réfugié.

Les réfugiés qui retournent dans leur pays d'origine sont souvent confrontés à des risques élevés et n'ont pas de revenus stables - un élément clé du processus de réintégration. Le retour dans des communautés où les ressources sont déjà rares peut mettre à rude épreuve la population locale et entraîner des conflits sociaux entre les communautés d'accueil, les migrants de retour et les nombreux déplacés internes qui s'y trouvent.

Les projets à impact rapide de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) contribuent à atténuer les tensions dans les provinces où les retours de réfugiés sont nombreux au Burundi.

Ces projets sont conçus pour amortir le double choc de l'instabilité et de la pauvreté, tout en offrant aux bénéficiaires l'espoir d'une vie décente. Ils servent également à réduire le risque de conflit social en offrant des opportunités aux communautés.

Des membres de la communauté de Tura Hill font équipe sur un projet de conservation des sols. Photo : OIM/Amaury Falt-Brown

Alva Fredman Klockar, chef de projet au sein du département de transition et de relèvement de l'OIM, affirme que des liens sociaux plus forts en découlent. « Lorsque les migrants de retour, les déplacés internes et les membres de la communauté d'accueil se réunissent pour décider des infrastructures publiques à réhabiliter, cela renforce les liens sociaux entre les différents groupes, leur donne l'opportunité de gagner un revenu et contribue au bien commun de la communauté ».

Les dialogues organisés par l'OIM orientent le processus de sélection et de mise en œuvre d'un projet à impact rapide pertinent - en collaboration avec la population locale, les autorités et le partenaire d'exécution de l'OIM, Help a Child.

Anicet a bénéficié d’un projet à impact rapide. Comme des milliers d'autres, il a bénéficié du système de travail contre rémunération qui constitue l'épine dorsale des projets à impact rapide - essentiellement, de l'argent en échange de travail.

Avec les fonds gagnés auprès de l'OIM, il a décidé de rester au Burundi plutôt que de migrer à nouveau. Il a utilisé l'argent pour investir dans du bétail, puis a relancé son commerce de poisson.

« Après avoir acheté mon bétail, j'ai travaillé très dur, en allant tous les jours à la rivière pour acheter du poisson et mon capital a commencé à augmenter », raconte Anicet. « Avec les fonds gagnés, j'ai ensuite acheté un vélo. Cela m'a permis de ramener encore plus de poissons [à vendre] de la rivière. Maintenant, je ramasse aussi de l’herbe, que je transporte sur mon vélo pour nourrir mon bétail ».

Michel Ndururutse vérifie une tranchée sur un site de conservation des sols.  Photo : OIM/Amaury Falt-Brown

Avec le soutien de la République fédérale d'Allemagne et du Foreign and Commonwealth Development Office (FCDO) du Royaume-Uni, des familles comme celle d'Anicet reconstruisent leurs moyens de subsistance et investissent dans leur avenir.

Le HCR estime à environ 300 000 le nombre de réfugiés burundais vivant encore à l'étranger, dont beaucoup sont en train de rentrer chez eux. Rien qu'en 2021, plus de 60 000 sont rentrés, poussés par un climat de plus en plus stable depuis les élections présidentielles burundaises de 2020.

La question qui subsiste est : comment les provinces à fort taux de retour accueillent-elles les citoyens qui souhaitent rentrer chez eux sans fissurer un système social déjà fragile ?

Michel Ndururutse, membre de l'administration locale de Tura, dans le nord-est du pays, estime que les projets à impact rapide sont un élément clé de la solution. « La population est très heureuse du travail effectué par l'OIM. Il crée un changement durable car les gens bénéficient des effets à long terme de ces projets », dit-il.

Belise, une migrante de retour de Tanzanie âgé de 21 ans, partage ce point de vue : « avec l'argent que j'ai gagné en construisant les deux salles de classe de notre communauté, j'ai pu acheter du bétail qui a contribué à stabiliser la vie de ma famille. Je suis très fière d'avoir participé à la construction de l'école », déclare-t-elle.

Des élèves apprennent dans une salle de classe construite par Belise, migrante de retour, et d'autres bénéficiaires du programme de travail contre rémunération. Photo : OIM/Amaury Falt-Brown

Belise explique que grâce à sa participation au projet de construction de l'école, sa famille est reliée à ses voisins. Bientôt, ajoute-t-elle, sa fille de quatre ans ira à l'école dans les mêmes salles de classe qu'elle a aidé à construire.

Le programme de réintégration de l'OIM ne vise pas seulement à promouvoir la cohésion communautaire dans les zones de retour volontaire, mais à fournir aux communautés les moyens de façonner un avenir plus prospère et plus stable.

Anicet affirme que l'aide de l'OIM a fait toute la différence. « Tout ce que j'ai maintenant, c'est grâce au soutien que j'ai reçu. Avant cela, j'étais prêt à retourner en Tanzanie. Cette aide m'a permis de rester [au Burundi] ».

Cette histoire a été écrite par Amaury Falt-Brown, OIM Burundi, email : afalt@iom.int

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