Enseignants, représentants de district et membres de groupes de sensibilisation lors d'une des discussions de groupe. Photo : OIM 2024/Rahel Negussie

Tigré, Éthiopie – Yafet*, un étudiant de 17 ans originaire du Tigré, dans le nord de l'Éthiopie, était sur le point de prendre une décision qui allait changer sa vie : s'embarquer dans un voyage périlleux organisé par des trafiquants d'êtres humains pour quitter le pays, ou rester dans son pays et trouver une autre voie.

Poussé par l’envie d'aider sa famille, qui avait tant perdu pendant le conflit qui a fait rage dans le nord de l'Éthiopie, Yafet a estimé que sa seule option était de s'adresser à des trafiquants, se faisant appeler « courtiers », qui lui promettaient un voyage et un emploi sûrs dans les pays du Golfe.

« Ma famille a énormément perdu pendant le conflit et je voulais l'aider. La seule chose à laquelle j'ai pensé était de contacter ces courtiers pour qu'ils m'emmènent en Arabie saoudite ou au Yémen », explique Yafet.

Mais Yafet a changé d’avis après avoir parlé à un camarade de classe, qui fait partie d'un « groupe de sensibilisation par les pairs » qui tente d'empêcher les jeunes d'émigrer clandestinement. Son ami, qui connaissait les dangers d'un tel voyage, a emmené Yafet à une séance de sensibilisation aux dangers et aux risques de l'immigration clandestine.

« Nous avons su via les membres de notre groupe que deux élèves prévoyaient de quitter l'école pour s'embarquer dans un voyage périlleux », explique Meseret Neguse, une élève qui dirige le groupe de pairs à l'école secondaire Mechare dans la ville de Mekoni, dans le sud du Tigré, en Éthiopie.

« Nous les avons invités dans le groupe pour les informer sur les dangers de la migration irrégulière et nous leur avons également conseillé de terminer leur scolarité », ajoute-t-elle.

Chaque année, des dizaines de milliers d'Éthiopiens, principalement des jeunes, migrent vers le Moyen-Orient, en particulier vers le Royaume d'Arabie saoudite. Ces migrations sont provoquées par la pauvreté, le chômage, le manque d'opportunités et, de plus en plus, par le changement climatique.

Selon l'OIM et son système de surveillance des flux, plus de 23 600 personnes ont quitté l'Éthiopie en avril 2024, 51 % d'entre eux pour l'Arabie saoudite. Treize pour cent de ces mouvements provenaient de la région du Tigré, principalement des zones sud et est.

L'OIM, avec le financement du King Salman Humanitarian Aid and Relief Center (KSrelief), a formé Meseret et d'autres personnes, notamment des représentants du district, des jeunes et des enseignants, pour qu'ils deviennent éducateurs. Lors de cette formation, on leur fournit toutes les informations sur les voies de migration sûres, sur les dangers de la migration irrégulière et sur les moyens de subsistance locaux.

« Nous utilisons la poésie, le débat et le théâtre pour transmettre ces informations dans les écoles, et faire en sorte que les jeunes comprennent mieux les risques de la migration irrégulière. Nous essayons de nous organiser, notamment en faisant l’appel le matin, pour voir qui pourrait manquer », dit Meseret, expliquant les méthodes qu'ils utilisent.

Le groupe de sensibilisation poursuit son travail en dehors de l'école. Chaque fois qu'il le peut, il se réunit au marché local voisin pour éduquer les gens sur les dangers de la migration irrégulière. « Nous sommes heureux d'avoir réussi à influencer positivement deux de nos élèves grâce à notre groupe », déclare Meseret avec assurance.

Aujourd'hui, Yafet poursuit ses études, se prépare à passer l'examen national cette année et à voir ce que la vie lui réserve. Il a également rejoint le groupe de pairs, encourageant à son tour d'autres jeunes de sa communauté à opter pour des moyens de subsistance sûrs au lieu de risquer sa vie avec la migration irrégulière.

Le programme de conversation communautaire (CC) de l'OIM vise également à favoriser le dialogue, la confiance et la cohésion sociale entre les différentes parties prenantes, telles que les migrants potentiels, les migrants de retour au pays, les communautés d'accueil et les autorités locales. Cette année, l'OIM a relancé le programme dans la région du Tigré, touchée par un conflit.

Les initiatives de sensibilisation par les pairs et de conversation communautaire font partie du soutien apporté par l'OIM au gouvernement pour répondre aux défis de la migration irrégulière par le biais d'une campagne de communication bien coordonnée.

« Les migrants potentiels sont plus susceptibles d’entendre les messages provenant de membres de leur propre communauté plutôt que des autorités », déclare Liyunet Demsis, responsable de projet de l'OIM en charge de la sensibilisation des communautés.

« L'OIM et le gouvernement forment des « pairs éducateurs », et se servent des conversations communautaires pour aider les jeunes vulnérables à prendre des décisions en connaissance de cause sur la migration. Les manuels de sensibilisation par les pairs et de conversations communautaires, développés par l'OIM, permettent aux jeunes d'acquérir des compétences de vie qui sont également utiles », a-t-elle ajouté.

Depuis 2009, l'OIM mène le programme de conversations communautaires en Ethiopie et l'organisation a développé un manuel de conversations communautaires en 2013 que le gouvernement éthiopien a approuvé en 2014.

Une évaluation du programme « The Impact of Awareness-raising Forums on Migration Attitudes in Ethiopia », menée en 2023 a montré que les discussions communautaires peuvent influencer la décision des migrants potentiels, ce qui peut les aider à faire des choix de migration plus sûrs.

Les programmes de sensibilisation par les pairs et de conversations communautaires de l'OIM dans le sud du Tigré sont financés par le King Salman Humanitarian Aid and Relief Center (KSrelief).

*Les noms ont été modifiés pour protéger l’identité des personnes concernées.

L'histoire est écrite par Rahel Nigussie, Assistante senior en communication, OIM Ethiopie.  

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