Côte ouest, Yémen - Halima et sa sœur Hadija, qui ont grandi au Yémen, ont appris à tisser dès leur plus jeune âge. Leur mère, qui leur a enseigné le tissage, y voyait un passe-temps amusant pour les aider à s'adapter à la vie loin de chez elles, en Érythrée. Enfant introvertie à l'imagination débordante, Halima s'est rapidement passionnée pour cette activité manuelle.
Même dans ses plus anciens souvenirs, Hadija n’a jamais entendu sa sœur Halima parler. « D'aussi loin que je me souvienne, elle a toujours été sourde et muette », dit-elle. Au fil des ans, leur lien s'est renforcé, en partie à cause de leur déplacement et en partie parce que Hadija s'est sentie obligée de s'occuper de sa jeune sœur.
Leur communication est devenue intuitive, s'appuyant souvent sur très peu de mots, à tel point que Hadija pense maintenant pouvoir anticiper les pensées de sa sœur. « Elle n'a peut-être pas de voix, mais son esprit est vif », explique Hadija. La surdité d'Halima n'a fait que la motiver à travailler davantage, utilisant ses mains habiles pour créer des paniers, des chapeaux, des plateaux et d'autres objets.
Déjà douée pour le tissage, Halima a perfectionné sa pratique lors d'un programme de formation organisé par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) dans le cadre de son projet d'intégration des femmes et des personnes handicapées. Le processus de sélection a été mené par le biais de discussions de groupe et avec le soutien des mobilisateurs communautaires, sous la direction de l'unité de coordination et de gestion du camp.
Non seulement les déplacements au Yémen entraînent la perte des maisons et des biens, mais perturbent également l’équilibre des femmes, qui se retrouvent coupées de leurs activités économiques et de l'accès aux moyens de subsistance traditionnels. Consciente de ces problématiques, l'OIM a formé 25 femmes de la communauté d'accueil et de la population déplacée à l'intérieur du pays pour qu'elles enseignent dans différentes formations professionnelles.
Aujourd'hui, Halima est devenue formatrice, partageant son savoir-faire avec d'autres femmes, y compris des formatrices en devenir. À ce jour, elle a dirigé plusieurs séances de formation, initiant avec succès plus de 50 femmes à l'art du tissage.
Au début de ses cours, elle réunit généralement ses élèves pour leur montrer les techniques, mais elle leur donne également des conseils individuels pour s'assurer qu'elles appréhendent bien chaque étape. Halima est impressionnée par la rapidité avec laquelle ses élèves apprennent à tisser. « Le secret, c’est la patience», souligne-t-elle.
Il y a dix ans, lorsque le mari d'Halima est décédé, elle a dû apprendre à vivre sans lui, mais sa sœur ne l'a jamais quittée. Elles partagent toujours leurs repas et tissent ensemble, inséparables après toutes ces années. Les tissages vendus par Halima ont considérablement augmenté ses revenus, lui permettant de subvenir à ses besoins. La prime qu'elle a reçue en tant que formatrice a encore renforcé son indépendance. Sans cela, elle ne pourrait compter que sur sa sœur.
Bien que la vie soit loin d'être idéale, Halima a trouvé au Yémen un nouveau sentiment d'appartenance. Réputée pour être l'une des meilleures tisseuses du site, elle est sollicitée des semaines à l'avance pour les célébrations et on lui confie la préparation des articles de mariage, si importants dans la tradition. Elle est fière d'apporter de la joie aux autres et de participer à leurs heureux événements. « Je me sens utile ici », explique Halima.
Comme Halima, Zainab a souffert de son handicap la majeure partie de sa vie, notamment depuis qu’elle est déplacée. Peu après son mariage, la jeune femme de 30 ans a commencé à ressentir des douleurs articulaires paralysantes qui l'ont finalement clouée au lit. Après plusieurs visites, le médecin lui a diagnostiqué un rhumatisme grave. Malgré de nombreuses tentatives de traitement, Zainab s'est retrouvée de plus en plus dépendante d'un fauteuil roulant, ce qui a eu un impact sur son indépendance et son bien-être mental.
Zainab a fui Al Hudaydah au Yémen avec ses frères, ses parents et son mari en raison du conflit en cours qui a déplacé environ 4,5 millions de personnes, dont beaucoup ont du se déplacer plusieurs fois au fil des ans. Peu après s'être installée dans le site d'Abuzaher, sur la côte ouest du Yémen, son mari a décidé de divorcer après 12 ans de vie commune.
« Il m'a dit qu'il ne pouvait plus supporter mon handicap », raconte-t-elle. Outre les problèmes de la vie quotidienne, Zainab souffre désormais de moments de profonde solitude qui lui pèsent lourdement. « Le véritable handicap se trouve dans mon cœur », dit-elle.
Depuis son enfance, Zainab s’épanouit dans la fabrication de petits objets pour égayer ses journées. Elle a donc été ravie de découvrir les cours professionnels proposés par l'OIM dans différents domaines : art du henné, tissage, couture et fabrication de parfums. Au fil du temps, Zainab est devenue experte et dirige désormais les cours d'art du henné. « J'aime être formatrice car je peux participer activement à améliorer la vie d'autres femmes », explique-t-elle.
N’ayant pas d’enfant, il est essentiel pour Zainab de transmettre sa passion. Elle suit actuellement un traitement pour sa maladie, qui semble avoir de bons résultats. Zainab est heureuse de retrouver de la mobilité dans ses mains, ce qui lui permet de continuer à pratiquer l'art du henné. Bien qu'elle rêve de jours plus faciles, elle reste concentrée sur ses aspirations. « J'espère devenir enseignante un jour », confie-t-elle.
Les projets d'autonomisation des femmes sont financés par l'aide humanitaire de l'UE, le Bureau de l'USAID pour l'assistance humanitaire et le Fonds central d'intervention pour les urgences humanitaires (CERF) des Nations Unies dans le cadre des activités de coordination et de gestion des camps (CCCM) de l'OIM au Yémen.
Cet article a été rédigé par Monica Chiriac, responsable des médias et de la communication à l'OIM Yémen.