Baidoa, 22 avril 2021 – Comme le dit l’adage, « où le cœur aime, là est le foyer ».
Pour les quelque 680 000 Somaliens vivant à l'étranger, cela est aujourd’hui plus vrai que jamais.
Malgré les milliers de kilomètres qui les séparent de leur terre natale, la diaspora somalienne apporte une immense contribution à l'économie du pays. Collectivement, les envois de fonds représentent entre 1,3 et 2 milliards de dollars par an. Cela représente près d'un tiers du PIB du pays et plus que le montant de l'aide étrangère affluant chaque année dans le pays.
Lorsque la guerre civile a éclaté en 1991, des milliers de Somaliens ont été contraints de fuir le pays, trouvant finalement refuge dans des pays comme le Kenya, la Grande-Bretagne, la Finlande, les États-Unis et le Canada.
Près de trois décennies se sont écoulées depuis ce douloureux moment, qui a déchiré des familles et dispersé la diaspora somalienne dans le monde entier. Aujourd'hui, beaucoup rentrent au pays, poussés par le désir de contribuer à la reconstruction de leur terre natale.
Marchant dans un canal d'eau vide à Baidoa, une ville du centre-sud de la Somalie, l'ingénieur Mohamud Hussein Ibrow, également connu sous le nom d'Aliyow, sourit : « J’ai une vision pour Baidoa et ma vision est qu'elle retrouve sa gloire passée ».
Baidoa est loin de Londres, la ville qui l'a accueilli et abrité pendant 13 ans avant qu'il ne retourne en Somalie en 2012. Lorsque les affrontements ont commencé, Aliyow était déjà en Europe où il étudiait pour un Master en ingénierie. La situation l'a contraint à repousser son retour pendant près de deux décennies.
Le conflit et l'effondrement des institutions ont fortement endommagé les infrastructures du pays, tandis que de nombreux travailleurs hautement qualifiés comme Aliyow sont partis, provoquant une pénurie d'expertise dans de nombreux domaines tels que la santé et l'ingénierie.
Pourtant, Aliyow suivait de près la situation dans son pays depuis sa maison louée à Londres. « Mon corps était au Royaume-Uni, mais mon cœur était toujours en Somalie », confie-t-il.
Il n'est pas le seul. Des centaines de Somaliens sont rentrés en Somalie au cours de la dernière décennie pour mettre leurs compétences au service du développement du pays. Le programme de « Migration pour le développement en Afrique » (MIDA), mis en œuvre par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), facilite certains de ces retours.
L'OIM mobilise les ressources des donateurs pour déployer les experts de la diaspora dans les institutions publiques où leur expertise dans divers domaines contribue à renforcer les capacités institutionnelles. Ces experts ne se contentent pas de ramener leurs compétences au pays, ils transmettent également leurs connaissances aux jeunes professionnels locaux par le biais d'un programme de mentorat.
A ce jour, près de 500 personnes sont rentrées chez elles en Somalie grâce au MIDA et ont apporté leur soutien dans un large éventail de domaines, notamment l'éducation, la santé, les finances publiques, les droits des migrants, la justice et bien d'autres.
Aliyow a rejoint le MIDA en 2019, dans l'espoir de redonner à son pays.
« J'ai toujours rêvé de soutenir l'avenir du pays et d'apporter le savoir-faire technique en tant qu'ingénieur grâce à l'expérience que j'ai acquise en travaillant à Londres. C'est le moins que je puisse faire pour mon pays. »
Il travaille en tant que conseiller régional en urbanisme pour le Bureau du gouverneur, contribuant à la modernisation des infrastructures de Baidoa et ses environs. Son travail aidera la communauté à se déplacer dans la ville avec une grande facilité pour la première fois depuis de nombreuses années.
Selon un membre de la communauté, Aliyow est désormais l'un des « ingénieurs les plus fiables dans une ville qui lui est reconnaissante de son retour ». Il est salué par presque tous ceux qu'il croise, y compris les anciens, les jeunes, les femmes et les responsables de la sécurité.
« L'eau atteint jusqu'à deux mètres de haut et emporte sur son passage de nombreux enfants, biens et bétail. Comme vous pouvez le voir, de nombreux écoliers empruntaient ce chemin dangereux », explique M. Aliyow en montrant les plans d'un nouveau pont.
Le gouverneur de la région de Bay, Ali Wardheere Abdirahman, est un autre Somalien possédant la double nationalité australienne.
«Parmi les projets que nous avons réalisés ensemble figure le développement du quartier commercial du centre de Baidoa, qui était autrefois très encombré », dit-il.
Le gouverneur a accueilli Aliyow et l'a chargé de former des ingénieurs locaux pour construire de nouvelles routes et améliorer l'accessibilité de la ville. « N'oubliez pas qu'il n'y avait pas d'autorité locale pendant 30 ans. Grâce à notre travail, il y a eu une augmentation de la valeur des biens ; la santé et la sécurité dans la région se sont également améliorées. »
Aliyow apporte à la ville plus que son savoir-faire en matière d'infrastructures et est au sommet de sa carrière. Il a participé à la construction du terminal 5 de l'aéroport d'Heathrow à Londres. Ses années d'expérience contribuent grandement à faire briller à nouveau Baidoa.
« La ville a besoin de moi, les gens ont besoin de moi, et il y a beaucoup de projets », déclare-t-il. « Ce pays est en ruines depuis 30 ans et il existe une forte demande en matière de restauration et de reconstruction. »
Le programme MIDA de l'OIM recrute également de jeunes professionnels et des stagiaires locaux pour apprendre des spécialistes de la diaspora et prendre la relève une fois qu'ils seront partis.
Iftin Mohamed Hassan est l'une de ces stagiaires. Elle est diplômée en génie civil et considère Aliyow comme un modèle.
« Grâce à l'ingénieur Aliyow et à la formation du MIDA, j'ai développé mes compétences en matière de santé et de sécurité, de contrôle de la qualité, de construction et bien d'autres choses encore », dit-elle. « Je veux continuer à développer ma carrière personnelle et aussi partager ce que j'apprends d'Aliyow avec la prochaine génération d'ingénieurs. »
C'est cette association du transfert de compétences techniques au mentorat de futurs professionnels qui distingue le programme MIDA des autres initiatives de développement, avec un impact très réel et durable.
« Le MIDA est un programme extraordinaire et très important pour la relance de la Somalie et le développement collectif de la nation », déclare le gouverneur Abdirahman.
Le programme a eu un impact durable sur les participants, même après la fin de leur contrat officiel. De nombreux experts du MIDA continuent à travailler en Somalie ou à soutenir des initiatives de développement. Aliyow, par exemple, reste engagé à Baidoa, bien que ses fonctions officielles dans le programme aient pris fin.
Il reconnaît que son rôle n'est pas seulement d'être un conseiller en planification et un ingénieur, mais aussi un modèle. « Lorsque j'ai rejoint le programme MIDA, j'ai en partie compris les avantages qui pouvaient en découler, à la fois par ma fonction et par le transfert de compétences que je ferais », explique Aliyow. « J'aime me mettre à profit de mon peuple ».
Des dizaines de témoignages recueillis ces dernières années montrent l'impact considérable que les migrants de retour somaliens ont sur le développement de leur pays. Ce courage, cette passion et cette détermination de la diaspora somalienne contribuent au Plan de développement national, au Pacte mondial sur les migrations et au programme pour le développement à l’horizon 2030.
La mission d'Aliyow a été rendue possible grâce au généreux financement de l'Agence italienne pour la coopération au développement (AICS). Depuis 2017, l'AICS soutient le programme MIDA de l'OIM en Somalie. L'objectif ultime est d'aider à réduire la pauvreté tout en renforçant les compétences et les capacités des institutions étatiques, ainsi que de stimuler les opportunités d'emploi, en particulier pour les jeunes en Somalie.
Texte de Claudia Barrios Rosel et Erin Bowser, OIM Somalie.
Pour en savoir plus sur le programme MIDA de l'OIM et/ou sur d'autres experts et initiatives de développement, veuillez contacter iomsomaliapsu@iom.int ou visiter le site web du MIDA.