Gouvernorat de Ta’izz, Yémen – Dans les paysages arides du Yémen, un pays historiquement touché par la pénurie d’eau, les difficultés atteignent des niveaux sans précédent. L’utilisation des eaux souterraines dépassant la surcharge annuelle, associée à l’impact du changement climatique sur les pluies saisonnières, ont aggravé la crise de la pénurie d’eau.
Suite à la destruction des systèmes d’eau et d’assainissement en raison du conflit, le nombre impressionnant de 14,5 millions de Yéménites se retrouvent dépourvus d’accès à l’eau potable. Cette situation complique la lutte contre la propagation de maladies transmises par l’eau et montre clairement qu’il est urgent de trouver des solutions durables pour résoudre ce problème vital.
Aux prises avec des problèmes d’eau en raison de son terrain accidenté, At Turbah est également l’une des villes les plus surpeuplées du gouvernorat de Ta’izz. La croissance rapide de la population, accentuée par les flux de déplacement incessants, met une immense pression sur les ressources en eau déjà limitées.
« La pénurie de ressources en eau est un vrai problème à Ta’izz, en particulier à At Turbah, car elle est située sur un terrain plus élevé et dispose de moins de sources d’eau que les vallées », explique Zaid, Directeur de la branche de la Coopération locale pour l’eau et l’assainissement dans la ville d’At Turbah. « Le coût du diesel est aussi une difficulté considérable, compte tenu des revenus limités de la population locale », ajoute-t-il.
Pendant longtemps, les habitants d’At Turbah ont été confrontés à des difficultés pour pomper l’eau de leurs deux puits souterrains car ils utilisaient un vieux générateur qui tombait souvent en panne, privant la communauté d’accès à l’eau.
L’expérience de Khalil, père de deux enfants à At Turbah, reflète les difficultés courantes auxquelles sont confrontées les familles à Ta’izz pour accéder à l’eau potable. « Lorsque le générateur fonctionne mal ou qu’il n’y pas plus de diesel, nous sommes contraints de faire acheminer de l’eau par camion, ce qui est extrêmement coûteux. Un seul camion d’eau peut coûter jusqu’à 30 dollars, une somme que la plupart d’entre nous ne pouvons pas payer. »
Selon Khalil, de nombreuses familles passaient plusieurs jours sans eau, obligeant les habitants à aller chercher de l’eau dans des puits ouverts et dans les réservoirs d’eau à l’extérieur de la ville. Cette corvée incombe souvent aux femmes et aux enfants, qui passent des heures à ramener de l’eau à l’aide de jerricans.
« C’est une tâche titanesque pour les femmes et les enfants de parcourir d’importantes distances à pied et d’endurer de longues files d’attente, pour ramener seulement deux à quatre jerricans, qui ne suffisent pas à satisfaire les besoins quotidiens de leur famille », confie Khalil.
Non loin de Khalil, dans la banlieue d’At Turbah, vit Ashjan, une technicienne de laboratoire, et sa famille de dix personnes. « L’acheminent de l’eau par camion dans notre quartier est compliqué par sa nature montagneuse et accidentée », explique-t-elle.
Étant donné qu’aucun camion ne pouvait parvenir jusqu’à sa famille, Ashjan devait se lever à l’aube, descendre dans la vallée pour remplir ses jerricans d’eau, puis remontrer laborieusement la montagne, avant d’aller au travail.
Acheminer de l’eau depuis la vallée présente des dangers car les femmes et les enfants qui passent par la montagne avec de lourds jerricans risquent la chute. « Transporter de l’eau jusqu’au sommet de la montagne est épuisant », dit Ashjan. « Parfois, nous faisons accidentellement tomber les jerricans, perdant toute l’eau précieuse que nous avons eue tant de mal à recueillir. »
Selon Ashjan, les grandes familles doivent recueillir et transporter de l’eau six à sept fois par jour. Pour ceux qui vivent loin du réservoir, cela peut prendre plusieurs heures à chaque fois. Cette situation pèse sur leur quotidien, détournant leur temps et leur énergie de tâches essentielles comme le travail, l’école et d’autres activités essentielles à leur bien-être.
Tout comme Ashjan, d’autres habitants de la banlieue d’At Turbah doivent dépendre de sources d’eau dans les vallées. Cependant, les sources d’eau dépendent des pluies saisonnières et sont souvent asséchées en hiver.
« Le réservoir d’eau, où se déverse l’eau de source, a tendance à vite s’assécher », explique Ashjan. « Si nous n’y allons pas tôt le matin, il n’y a plus d’eau pour nous. »
Répondant aux besoins urgents sur le terrain, l’équipe chargée de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène (WASH) travaillant avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en collaboration avec la Corporation locale de l’eau, a réalisé de nombreuses évaluations à Ta’izz, y compris à At Turbah, et a effectué des tests de la qualité de l’eau pour se conformer aux exigences nécessaires à l’installation d’une pompe de puits à énergie solaire.
Grâce au nouveau système solaire, les structures de service public à At Turbah et dans sa banlieue, notamment les hôpitaux, les écoles et près de 29 000 personnes (dont environ 5 800 déplacées) ont désormais un accès direct à une source d’eau potable et durable.
Outre l’installation du système solaire, les équipes de l’OIM mènent à bien des campagnes de nettoyage auprès des habitants d’At Turbah, organisent des sessions d’exploitation et de gestion pour le comité de l’eau qui supervise les puits et animent des sessions de sensibilisation pour promouvoir l’utilisation rationnelle de l’eau
« Maintenant que nous disposons d’un flux d’eau constant, nous pouvons voir les yeux des femmes remplis de joie et de soulagement », déclare Ashjan. « En 2022, nous n’avons reçu de l’eau qu’une seule fois, mais depuis juillet, nous sommes constamment approvisionnés en eau. C’est une bénédiction. »
L’OIM s’engage à mettre en œuvre des solutions durables pour surmonter les obstacles dans l’accès à l’eau potable et salubre à travers le Yémen. Son projet d’eau à At Turbah est rendu possible grâce au soutien financier du Bureau de l’USAID pour l’aide humanitaire.
Cette histoire a été écrite par Mennatallah Homaid, assistante principale pour la visibilité des donateurs et la communication à l’OIM au Yémen.