Pakistan – « J'ai réussi à rentrer discrètement dans l'école aujourd'hui. Mes professeurs m'ont dit que je ne devais pas revenir en cours. Ils ne peuvent rien faire pour ma situation », confie Noor, un jeune Afghan vivant au Baloutchistan, au Pakistan.
Dans le cadre de la première phase de l'IFRP, plus d'un million d'étrangers sans documents valides, en grande partie des Afghans, se sont vu fixer la date limite du 1er novembre 2023 pour quitter le Pakistan sous peine d'être expulsés. Les deuxième et troisième phases de l'IFRP prévoient l'expulsion des détenteurs de cartes de citoyen afghan et des détenteurs de preuves d'enregistrement respectivement.
Au 20 avril 2024, l'OIM et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés au Pakistan estiment que plus de 550 000 Afghans sont retournés en Afghanistan sous la contrainte depuis l'intensification des retours en septembre dernier. En outre, plus de 31 000 Afghans auraient été arrêtés et détenus au Pakistan au cours de la même période.
Contrairement à ses six frères et sœurs bénéficiant du statut de citoyen afghan, Noor est sans papiers, ce qui rend son avenir au Pakistan très incertain et l'expose à un risque immédiat d'expulsion dans le cadre de la première phase de l'IFRP. Aujourd'hui, à l'approche de la deuxième phase de l'IFRP, le risque d'expulsion pèse également sur les frères et sœurs de Noor.
À la suite de l'annonce de la mise en œuvre de l'IFRP, les réactions ont été très partagées dans l'école de Noor. Certains enseignants et camarades de classe ont été bouleversés par son départ imminent, tandis que d'autres spéculaient sur la date à laquelle il serait expulsé de l'école.
Pour les enfants, comme Noor, les dangers sont nombreux au Pakistan où ils peuvent se faire arrêter à tout moment. De plus, le passage de la frontière est compliqué et ils peuvent se retrouver en difficulté à leur retour en Afghanistan. Ils risquent également d'être séparés de leur famille, ce qui peut provoquer de la détresse et de la peur, faisant d’eux la cible d’abus et d'exploitation.
Alors que ses camarades peuvent continuer leur scolarité, l'éducation perturbée de Noor l'empêche de réaliser ses rêves.
Noor, dont la matière préférée est l'ourdou, la langue parlée dans son pays d'accueil, le Pakistan, a de grandes ambitions pour l'avenir.
« Quand je serai grand, je veux devenir professeur. J'ouvrirai une grande école où tous les garçons et les filles du monde entier pourront venir étudier. Cette école sera pour tout le monde. »
Les répercussions du plan ont également touché de manière disproportionnée les femmes et les filles afghanes, ainsi que les familles monoparentales, exacerbant leur vulnérabilité à la violence sexiste et aux violences conjugales alors qu'elles sont de plus en plus confinées à leur domicile.
Après des décennies de conflit, d'instabilité et de crise économique, l'Afghanistan aura du mal à absorber le grand nombre de rapatriés, dont beaucoup n'ont pas vécu dans le pays depuis des décennies, voire jamais. Avec plus de six millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays, l'Afghanistan est déjà confronté à une grave crise humanitaire et à plusieurs problèmes de droits humains, qui touchent particulièrement les femmes et les jeunes filles. Le Pakistan accueille depuis des décennies des Afghans ayant besoin de protection.
Habiba, propriétaire d'un petit restaurant à Islamabad et mère de trois enfants, est arrivée au Pakistan à l'âge de 12 ans, après avoir été mariée par ses parents à un Afghan au Pakistan. Lorsque son mariage est devenu abusif, elle a pris la décision courageuse de quitter son mari.
Initialement détentrice d'une preuve d'enregistrement, Habiba s’est ensuite vu remettre une carte de citoyenne afghane, sans savoir que cette carte ne donne pas accès à des contrats de travail et de location formels, à des services bancaires, et qu'elle n'offre qu'un accès limité, voire inexistant, aux soins de santé ou à l'éducation. Habiba a donc désormais moins de droits et accès à moins de services que lorsqu'elle était titulaire d'une preuve d'enregistrement. Sa situation reflète celle de nombreux Afghans au Pakistan, qui ignorent leur statut juridique et leurs droits.
Entre le 15 septembre 2023 et le 20 avril 2024, sur les 550 000 Afghans signalés par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et l'OIM Pakistan comme étant rentrés en Afghanistan, on estime que près de 4 % des détenteurs d’une carte de citoyen afghan et des Afghans sans papiers sont des femmes enceintes, et que 7 % sont des veuves.
Habiba, qui vit séparée de ses enfants et de son ex-mari, craint pour sa sécurité en tant que femme seule. Sa situation s'est considérablement aggravée depuis la mise en œuvre de l'IFRP, car elle est constamment surveillée par la police dans son restaurant et reçoit des appels anonymes exigeant sa présence à divers endroits pour vérifier ses papiers. Alors qu’elle était absente de chez elle, elle a été victime de voleurs qui lui ont dérobé la plupart de ses biens de valeur.
En réfléchissant à tout ce qu'elle a vécu, Habiba exprime sa profonde inquiétude quant à son avenir dans le pays.
À la suite de l'arrivée au pouvoir des autorités de facto en Afghanistan en août 2021, Habiba explique que « les Afghans sont arrivés au Pakistan avec l'espoir d'un avenir meilleur, sans être conscients des défis qui les attendaient », ajoutant qu’elle s’inquiète également pour d'autres femmes afghanes confrontées à des difficultés similaires.
De nombreuses femmes afghanes, comme Habiba, ont aujourd'hui beaucoup de mal à accéder aux services de base et sont victimes de harcèlement de la part des forces de l'ordre, ce qui augmente leurs inquiétudes en matière de sécurité.
Pour faire face aux risques de protection auxquels sont confrontés les titulaires d'une carte de citoyen afghan et les Afghans sans papiers, exacerbés depuis la mise en œuvre du FIPR, l'OIM Pakistan fournit une aide et des conseils juridiques aux Afghans déplacés, en assurant notamment une représentation en justice pour les titulaires d'une carte de citoyen afghan, des stages juridiques et une sensibilisation dans les communautés afghanes. En outre, l'OIM Pakistan organise des formations pour les forces de l'ordre, les juges, les procureurs, les associations d'avocats et d'autres acteurs afin d’améliorer les connaissances et les capacités locales en matière de droits humains et de cadres juridiques nationaux pertinents pour renforcer l'environnement de protection des Afghans.
En Afghanistan, l'OIM dirige un consortium frontalier de partenaires humanitaires qui fournissent une aide vitale aux rapatriés aux points de passage de la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan, afin de répondre à leurs besoins de base alors qu'ils sont confrontés à un avenir incertain.
L'OIM et ses partenaires réitèrent leur appel à tous les pays pour qu'ils mettent immédiatement fin aux retours forcés d'Afghans, à court terme comme à long terme, jusqu'à ce que les conditions soient réunies pour garantir des retours sûrs, dignes et volontaires, quel que soit leur statut juridique.
Cet article a été rédigé par Maha Akbar, chargée de communication, OIM Pakistan.