Chanthaburi, 6 février 2023 – Tandis qu'une autre semaine de travail s'achève un vendredi, Jea Sai Tot et Sai Som arrivent dans un centre communautaire de la province thaïlandaise de Chanthaburi.
« Des personnes m'ont parlé de l'activité d'aujourd'hui, qui consiste à se renseigner sur le droit du travail en Thaïlande », explique Sai Som. Elle et Jea Sai veulent tous deux connaître leurs droits en tant que travailleurs migrants.
Issus de la même famille au Cambodge, Sai et Jea Sai ont émigré en Thaïlande il y a six ans à la recherche d’une meilleure situation. Ils travaillent actuellement ensemble dans une exploitation de vergers.
Le long de la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, Chanthaburi abrite une grande partie des quelque 1,2 million de migrants cambodgiens* travaillant dans la construction, l'agriculture, la pêche, l'alimentation et d'autres secteurs. De nombreux migrants arrivent en Thaïlande sans informations précises sur les processus de migration, les procédures d'emploi, les droits et les prestations, et sont souvent confrontés à la barrière de la langue, ce qui les rend vulnérables à la maltraitance et à l'exploitation.
Sai et Jea Sai sont réunis avec une vingtaine d'autres travailleurs migrants cambodgiens, dont Sen Vee, originaire de la même province.
Sen a également déménagé en Thaïlande il y a six ans. « J'ai un enfant à élever et des dettes à rembourser », explique-t-il, faisant écho aux histoires de nombreux Cambodgiens à la recherche d'un meilleur moyen de subsistance de l'autre côté de la frontière.
Tous trois ont eu vent d'une activité de sensibilisation organisée par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Département thaïlandais de la protection et du bien-être au travail (DLPW) sur un ensemble de thèmes visant à améliorer l'accès des travailleurs migrants à l'information.
Sen est venu s'informer, entre autres, sur le processus de retour au Cambodge pour de courtes visites. Il avait entendu, à tort, qu'il fallait effectuer des paiements aux autorités pour passer la frontière et revenir.
« De nombreux travailleurs migrants dépendent des informations qui nous sont données par nos employeurs », fait remarquer Jea Sai, démontrant ainsi la grande disparité d'information à laquelle les migrants sont souvent confrontés.
Les activités de sensibilisation visent à donner aux migrants l'occasion d'interagir avec les autorités gouvernementales, de poser des questions et d'exprimer leurs préoccupations. « Nous constatons que beaucoup d'entre eux veulent en savoir plus sur le droit du travail, les services de l’Etat, les politiques d’indemnités et d'autres sujets similaires, explique Panuwat Boonyanan de l'OIM.
Les activités de sensibilisation précédentes ont été organisées autour de la prévention de la COVID-19, des services de santé disponibles et des risques de traite et d'exploitation, entre autres. La communication à double sens est la base de la sensibilisation, les activités étant conçues sur la base d'une évaluation des lacunes et des besoins en matière d'information dans chaque communauté visitée.
Saing, un leader migrant travaillant pour une ONG qui aide les migrants, témoigne de l'importance des activités de sensibilisation pour renforcer le dialogue entre les travailleurs migrants et les autorités. « Nous voyons surtout des problèmes concernant les retards de paiement des salaires, les passeports retenus, les licenciements abusifs ».
« Il y a tellement d'informations qui circulent - nous ne savions pas ce qui était vrai et ce qui ne l'était pas, jusqu'à aujourd'hui », déclare Jea Sai.
À près de 600 kilomètres de Chanthaburi, à l'autre bout du pays, une douzaine de migrants originaires du Myanmar sont réunis dans un centre communautaire de Mae Sot, dans la province de Tak, pour une activité similaire.
Face à la vulnérabilité accrue à l'exploitation, due à la fois à la pandémie et à l'instabilité au Myanmar, l'OIM et le Ministère du développement social et de la sécurité humaine ont organisé une séance d'information avec des responsables migrants sur la traite des personnes, notamment sur la manière d'identifier et de signaler les cas suspects.
A Tae est à Mae Sot depuis 2001 et est devenue une source d'information fiable, en particulier pour les nouveaux arrivants. Elle se souvient de ses premiers jours à Mae Sot, où elle n'avait que quelques membres de sa famille et ne savait pas où trouver des informations précises sur l'emploi.
Désormais bénévole communautaire active travaillant avec des organisations de la société civile, A Tae estime qu'il est de sa responsabilité de diffuser des informations qui peuvent contribuer à protéger les autres. « Après cette session, je peux parler à mes enfants et à d'autres parents, les aider à savoir comment être en sécurité, et qu'ils ne doivent pas croire tout ce que disent les inconnus », dit-elle. « Peut-être que certaines personnes ne seront pas intéressées, mais nous devons essayer. Il faut du temps pour améliorer la sensibilisation ».
Au total, plus de 460 migrants ont bénéficié de 20 activités de sensibilisation dans les provinces de Chanthaburi et Tak depuis mars.
Suite à l'assouplissement des restrictions liées à la COVID et à la réouverture des frontières, la migration de main-d'œuvre depuis les pays voisins vers la Thaïlande reprend à grande échelle. La nécessité d'une communication et d'un dialogue constants avec les communautés de migrants va devenir de plus en plus vitale.
Pour Sen Vee, la compréhension des procédures de recrutement pour les migrants est un défi quotidien qu'il s'efforce de surmonter, avec l'aide de migrants plus établis dans sa communauté ». Je me vois ici encore cinq ans, pour gagner autant que possible tout en m'assurant de suivre toutes les procédures correctes ».
Des informations précises, actualisées et adaptées à la langue peuvent servir de bouée de sauvetage qui autonomise les migrants, les protège et fait respecter leurs droits.
*Chiffres du Ministère du travail en juin 2022
Les activités de sensibilisation ont été rendues possibles par le Programme régional de migration pour l'Asie, financé par le Bureau de la population, des réfugiés et des migrations du Département d'État américain.
Cette histoire a été écrite par Miko Alazas, responsable des médias et de la communication de l'OIM en Thaïlande.