Chili - Le samedi 10 février, alors que les braises de milliers de maisons dévorées par les funestes incendies de forêt dans la région de Valparaíso au Chili couvaient encore, une trentaine de Vénézuéliens sont arrivés dans un élan de solidarité à El Olivar, un quartier ravagé par les flammes à la périphérie de Viña del Mar.
Ce groupe, composé essentiellement de migrants, a parcouru 120 kilomètres depuis la capitale du Chili, Santiago, pour apporter de l'aide et faire parvenir leurs dons aux Chiliens qui avaient tout perdu. Ils ont acheminé de la nourriture, de l'eau, des produits pour les nouveau-nés, des produits d'hygiène personnelle et ont mobilisé des professionnels tels que des médecins, des travailleurs sociaux et des psychologues pour aider les personnes les plus touchées.
« Nous avons tout préparé nous-mêmes, nous y avons mis tout notre cœur et nous sommes là pour apporter notre soutien », a déclaré Raúl Semprún, journaliste vénézuélien et fondateur de Crónicas de Chile (Chroniques du Chili). Crónicas de Chile est l'un des nombreux médias créés par les Vénézuéliens pour informer et donner de la visibilité aux nouvelles communautés de migrants qui arrivent au Chili. L'opération organisée par Raúl n'était pas seulement un témoignage de solidarité envers les personnes touchées dans la communauté, mais aussi un moyen de rendre la pareille au pays qui les a accueillis, qu'ils considèrent comme une seconde patrie.
« En tant que migrants, d'une manière ou d'une autre, nous avons choisi le Chili comme terre d'accueil, et peu importe que les sinistrés soient vénézuéliens, haïtiens, dominicains ou chiliens. Nous agissons sincèrement, parce que nous sommes un peuple uni et que c'est notre foyer », explique Raul. « Nous avons décidé d’agir pour aider nos frères et sœurs ».
Raúl et son épouse, Marielba González, ont quitté Maracaibo, au Venezuela, pour s'installer au Chili en 2019. Ils sont arrivés par voie terrestre, au cours d'un périple qu'ils décrivent comme motivé par une situation « complexe » et, même s'ils ont rencontré des difficultés pour exercer leur profession de journaliste dans le pays en raison de problèmes de documentation, le Chili les a accueillis à bras ouverts.
Optimiste, il ajoute : « après ces difficultés, nous avons pu faire ce que nous aimons, c'est-à-dire du journalisme, et cela nous permet de montrer le bon côté de notre migration ».
Dans ce coin de Viña del Mar, Raúl, Marielba et plus de 30 autres Vénézuéliens ont déposé les dons qu'ils avaient réussi à collecter auprès de la communauté vénézuélienne vivant à Santiago. De leurs véhicules, ils ont sortis des cartons de nourriture, et ce par un après-midi de canicule où la température dépassait les 30°C.
« Notre principale motivation était simplement d'aider, parce que nous compatissons avec ces personnes qui ont vécu des moments difficiles ; certaines ont perdu un membre de leur famille ou tout ce qu'elles avaient construit », explique Marielba. « Nous avons décidé de mettre à leur disposition ce que nous avions, et nous savions que notre communauté se mobiliserait immédiatement pour apporter sa contribution. »
Luna Ramírez, qui vit au Chili depuis sept ans, fait également partie des personnes qui sont venues à Viña del Mar. « Dès mon arrivée, j'ai vu les besoins des Vénézuéliens en situation de vulnérabilité », dit-elle en faisant référence à la Red de Apoyo Solidario (Réseau de soutien solidaire) qu'elle a fondé pour apporter une aide humanitaire aux familles vulnérables, quelle que soit leur nationalité. Luna et son réseau ont répondu à l'appel de Raúl et des autres bénévoles.
« Nous avons la possibilité et la chance de pouvoir aider toutes les communautés », a déclaré Luna Ramírez alors qu'elle disposait des rations de repas prêts à être consommés. « La solidarité n’a pas de drapeaux, c'est pourquoi nous sommes venus pour aider tout le peuple chilien, dans un symbole de main tendue, parce que nous sommes très reconnaissants envers ce pays », a-t-elle ajouté.
Pour Sebastián Jiménez, qui supervise le centre de collecte de la municipalité de Quilpué, le soutien des communautés de migrants a été fondamental : « Leur aide a été essentielle, ils sont arrivés au moment le plus difficile de l'urgence ».
Un Haïtien qui reconstruit l'espoir
Les secteurs de Pompeya Sur, Pompeya Norte et Población Argentina à Quilpué, Valparaíso, ont été parmi les plus touchés par les incendies. Michnayder Pierre, un migrant haïtien, a apporté son aide gratuitement aux personnes ayant perdu leur maison par l'intermédiaire de son entreprise de construction.
Motivé par sa fille, Michnayder Pierre s’est consacré à la reconstruction des maisons et a donné « la clé » de leur nouveau logement à ceux qui en avaient besoin, après avoir enlevé les gravats pour dégager les sites.
« C'est ce qui me rend heureux : aider ceux qui sont dans le besoin, migrants, Chiliens, d’où qu’ils soient », déclare-t-il.
Michnayder Pierre souligne que l'aide qu'il a apportée par l'intermédiaire de son entreprise de construction était destinée à tous ceux qui ont été touchés par les incendies, sans distinction d’origine, en insistant sur le fait qu'il se sentait déjà Chilien et que c'est pour cette raison qu'il avait cherché à les aider. Il souligne également que l'entreprise qu'il a créée il y a quatre ans avec sa famille s'est aujourd'hui agrandie et compte des travailleurs chiliens, haïtiens et vénézuéliens.
Les « panas » aident les « compadres »
Les incendies ont été au cœur des actualités dans les médias tout le dernier week-end de janvier. Le samedi matin, José Miguel Montilla, un Vénézuélien, s’est réveillé avec une idée en tête. « Al tiro », comme on dit au Chili (ce qui pourrait se traduire par « allons-y »). Il a parlé de son idée à sa compagne Wilmary Mendoza, et à son groupe d'amis (les panas, comme on les appelle familièrement au Venezuela) : lancer une campagne de collecte de solidarité pour soutenir les personnes touchées par les incendies. Tous ont répondu par un « oui » unanime.
Dès lors, José Miguel, Arianny, Wilmary, Manuel, Yoselin, Douglas, Isabel, Pedro et María Gracia ont commencé à s'organiser avec l'aide de Gonzalo, un migrant argentin qui a mis à leur disposition un local, situé dans le centre de Santiago, pour collecter des dons. En moins d'une semaine, ils ont réussi à collecter plus de trois tonnes d'eau, de la nourriture pour chiens et chats, des vêtements, deux tonnes de nourriture et trois camions qui ont transporté le tout de Santiago au secteur de Monte Sinaí, un camp situé au bord d'un ravin à Viña del Mar.
José Miguel raconte que dans son enfance à Barquisimeto, la ville où il est né au Venezuela, son beau-père lui a toujours appris de venir en aide à toute personne dans le besoin : « Je n'aime pas voir quelqu'un en mauvaise posture, et tant que je le pourrai, je l'aiderai. Voir tous ces enfants et ces gens qui ont tout perdu était trop choquant ».
« Nous ne pensions pas que nous allions pouvoir faire autant de choses, mais le jour même, des personnes nous aidaient déjà sur le plan logistique, et le dimanche, à dix heures du matin, elles étaient là pour participer », se souvient José Miguel. Entre-temps, les « Panas » sont également partis chercher de l'aide, se rendant dans des communautés éloignées telles que La Florida, Macul, Lampa, Pudahuel, Estación Central ou Quinta Normal pour collecter des fournitures auprès de personnes qui ne pouvaient pas se rendre dans le centre de la capitale pour faire leur don.
Pour Wilmary, ces actions sont une réaction normale d’empathie et de soutien mutuel entre les personnes, quelle que soit leur nationalité : « Cela m’a fait mal au cœur. Je suis une mère, et voir ou penser que cet incendie a blessé des enfants, des mères, des pères, des grands-parents est terrible. C’est avec la main sur le cœur que nous aidons tous ceux qui en ont besoin et qui continueront à en avoir besoin », dit-elle, ajoutant : « De nombreux amis chiliens m'ont aidée lorsque je suis arrivée au Chili ; à mon tour de tendre la main ».
Cette histoire a été écrite par Francisca Salinas Fernández, OIM Chili.