Roam Khot, 28 ans, est assis dans son petit magasin, à Juba, la capitale du Soudan du Sud. Les clients entrent au compte-goutte.

Il nous invite volontiers à entrer dans la boutique et à nous asseoir.

Roam a traversé une période difficile dans sa lutte pour une vie et un avenir meilleurs. En 2017, il quitte le Soudan du Sud pour l'Égypte dans l'espoir d'y commencer une nouvelle vie après avoir perdu ses deux parents.

« J'ai décidé de quitter le Soudan du Sud car je voulais une meilleure vie, une meilleure éducation, et je savais que je n'y arriverais pas ici, car le pays subissait encore les conséquences des années de guerre civile », dit-il.

Roam, et son ami Abraham Puok, ont chacun préparé un sac de vêtements, pris leurs modestes économies et ont entrepris un périple vers l’Egypte, laissant derrière eux tout ce qu'ils connaissaient.

En Égypte, Roam et Abraham se sont inscrits à l'université. Mais cette aventure fut de courte durée, car ils ont rapidement manqué d'argent pour couvrir les frais de scolarité et les dépenses courantes. Les deux amis ont été contraints d'abandonner leurs études et se sont vite retrouvés sans abri.

La vie simple de Roam dans son commerce de Juba – Nabie Loyce / OIM 2020

« Notre monde s'est écroulé. Pendant des semaines, nous avons dormi dans le froid sans rien à manger », raconte Roam.

Il ajoute que c'est grâce à la seule conviction que les choses allaient s'améliorer que lui et son ami ont trouvé la force de survivre.

Finalement, les deux amis ont commencé à trouver des petits boulots comme personnel de ménage ou chargeurs sur les chantiers de construction pour gagner de l'argent. C'est à cette époque qu'ils ont appris qu'au-delà de l'Égypte se trouvait l'Europe, l'endroit où aller, la terre aux possibilités infinies.

Le désir de partir pour l'Europe n'a cessé de croître en eux. Peu après, ils ont fait le grand saut et décidé de rejoindre les milliers de migrants qui tentent de traverser la Méditerranée, malgré les nombreux récits terribles du voyage.

« L'Égypte n'était plus un endroit pour nous », confie Roam.

« L'espoir d'un avenir meilleur se trouvait de l'autre côté de la mer ».

Les deux hommes sont partis à pied pour la Libye, un pays connu des trafiquants et des passeurs qui sont toujours prêts à envoyer des migrants et des réfugiés traverser les eaux dangereuses vers l'Europe.

« Ce fut un périple de persévérance et certainement pas pour les âmes sensibles », se souvient Roam. « Mais le désespoir vous pousse à bout. »

Roam sert un client – Nabie Loyce / OIM 2020

Une semaine plus tard, ils sont arrivés à Tobrouk, une ville portuaire de Libye, à la frontière avec l'Égypte. Il leur faudra encore trois mois pour atteindre la capitale libyenne, à l'ouest. Lorsqu'ils sont finalement arrivés à Tripoli, les deux hommes ont senti qu'ils se rapprochaient de leur rêve de fouler les côtes européennes.

Ils se sont démenés pour rassembler suffisamment d'argent et payer les passeurs, leur porte d’entrée vers un avenir meilleur.

Roam, Abraham et quelque 200 migrants sont montés à bord d'un bateau et ont entrepris la longue et dangereuse traversée vers les côtes européennes.

Cependant, le rêve des deux migrants de commencer une nouvelle vie en Europe a rapidement sombré dans l’abysse. Le moteur du bateau surchargé est tombé en panne. Entourés d'eau, la perspective d'atteindre leur destination a commencé à s’amenuiser.

Après ce qui leur a semblé être une éternité, Roam, Abraham et les autres migrants ont été récupérés par les garde-côtes libyens et renvoyés dans un centre de détention.

Un mois plus tard, après avoir payé pour leur libération, Roam et Abraham tenteront à nouveau le voyage. Cette fois, le voyage a fini en immense tragédie.

Roam a raconté que le navire dans lequel ils se trouvaient a chaviré. Abraham, son ami et compagnon de route, faisait partie des dizaines de migrants qui se sont noyés.

Bien que Roam ait du mal à reconstituer les détails de son retour à terre, il a survécu.

« J'ai regardé mon ami mourir et je n'ai rien pu faire pour le sauver. Cela me hante tous les jours ».

Roam n'a pas retenté la traversée. Il a décidé de rentrer chez lui avec l’aide de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Même si parfois le commerce est rare, Roam est persuadé que son commerce va grossir – Ne jamais désespéré est sa devise – Nabie Loyce / OIM 2020

Dans le cadre du travail d'aide aux migrants qui choisissent de retourner volontairement dans leur pays d'origine, les bureaux de l'OIM en Libye et au Soudan du Sud ont collaboré pour aider Roam à rentrer au Soudan du Sud. Il a bénéficié d'un hébergement, ainsi que de conseils à son arrivée, et de fonds pour louer un petit magasin et acheter des stocks.

Aujourd'hui, Roam partage son histoire tout en étant assis dans sa propre boutique.

« J'ai pu ouvrir ce magasin qui me rapporte un petit revenu et m'aide à vivre », dit Roam. « Ce magasin m'a aidé à reconstruire ma vie ».

Bien que les affaires soient parfois au ralenti, notamment en raison des pressions économiques au Soudan du Sud, Roam est convaincu que son entreprise va prospérer. « J'ai traversé des difficultés dans ma vie, mais je suis toujours debout. Je pense qu'il en va de même pour le commerce », dit-il.

« Je suis heureux d'être de retour au Soudan du Sud pour reconstruire ma vie avec optimisme pour une vie meilleure », déclare-t-il.


Roam fait partie des bénéficiaires de l'Initiative conjointe UE-OIM pour la protection et la réintégration des migrants, financée par le Fonds fiduciaire d'urgence de l'Union européenne pour l'Afrique. Depuis 2017, le programme a aidé plus de 11 500 migrants à bénéficier d'un accueil et d'une aide à la réintégration à leur arrivée dans la Corne de l'Afrique.

Cette histoire a été écrite par Nabie Loyce, assistante médias et communication et Liatile Putsoa, responsable médias et communication.